Der fliegende Holländer
François-Xavier Roth | ||||||
Chor der Oper Köln Gürzenich Orchester Köln | ||||||
Date/Location
Recording Type
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Daland | Karl-Heinz Lehner |
Senta | Ingela Brimberg |
Erik | Maximilian Schmitt |
Mary | Dalia Schaechter |
Der Steuermann Dalands | Dmitry Ivanchey |
Der Holländer | James Rutherford |
Wagner’s Dutchman drops anchor in Provence
If you’re looking for a rollicking, roistering voyage through Wagner’s seafaring escapade Der fliegende Holländer, it helps to have François-Xavier Roth at the helm. Captaining the Good Ship Gürzenich, with a hearty crew from Oper Köln, the Dutchman dropped anchor in Marseille for a one-night stand at the Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Played straight through, this concert performance sailed along at the rate of knots – just two hours and seven minutes – with no pause for breath nor interval, Roth instead swigging a bottle of water on-the-go while launching his orchestra lustily into Act 3.
This was a loud, often thrilling performance. It could (just) have been louder – the heavy brass were not on risers, but tucked behind the strings, where they still made an impact. The dapper Roth, conducting with a pencil, was a bundle of energy, driving the drama, but also timing transitions to perfection, such as the switch from Act 1’s hearty sailors to Act 2’s Spinning Chorus. A dodgy horn flub or two at the Dutchman’s first appearance apart, the Gürzenich Orchester was on stylish form.
The cast was in evening dress, but there were no music stands and the performance had a theatrical air to it for the most part, with the singers truly inside their roles. This is unsurprising given that a new production by Benjamin Lazar has just opened in Cologne, with this rendition as an Easter getaway in sunny Provence. Two narrow platforms defined the acting space either side of Roth. Singers came and went, mostly as the libretto demands it, although it was awkward for Daland to introduce his daughter to the Dutchman when neither was present on the stage.
Bass-baritone James Rutherford is a seasoned Wagnerian and his sturdy Dutchman sounded suitably weathered and oaken-toned. His monologue “Die Frist ist um” was particularly well inflected, relating his accursed fate, doomed to sail the seas without rest. Daland was Austrian bass Karl-Heinz Lehner, whose weighty instrument had tremendous presence but was also well manoeuvred in the almost Donizettian duet with the Dutchman when Daland succumbs to the offer of gold in exchange for his daughter’s hand in marriage.
Swedish dramatic soprano Ingela Brimberg was a very fine Senta. Her ballad was sung with great intonation, her incisive tone, with blue-silvery colours, slicing through the orchestral texture with ease, but also displaying huge dynamic variation. The role of the despairing Erik, Senta’s erstwhile love interest, was sung by Maximilian Schmitt, a touch weak on his high notes, but competent. Dalia Schaechter was a slightly raddled Mary, Dmitry Ivanchey a lyrical Steersman.
The most dramatic moment of the evening came when the men’s chorus filed to the front of the stage to deliver the terrifying song of the Dutchman’s ghostly crew directly into the audience’s faces – a hair-raising moment that will live long in the memory.
Mark Pullinger | 11 April 2023
Le Vaisseau fantôme du Capitaine Roth embarque le public de Provence
François-Xavier Roth tient pleinement ce soir le cap avec ses phalanges du Gürzenich de Cologne pour Le Vaisseau fantôme (Der fliegende Holländer) de Wagner en version de concert au Grand Théâtre de Provence, programmation d’ampleur, saluée comme telle par le public du Festival de Pâques.
Le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence poursuit le parcours de sa 10ème année qui le mène jusqu’aux dimensions wagnériennes dont le chef François-Xavier Roth sait extraire l’essence universelle, étant particulièrement attentif à saisir la sève germinative de l’inspiration musicale.
Constamment attentif à bien calibrer la puissance sonore de sa phalange, il est même ravitaillé en plein vol, par une musicienne du rang, qui lui transmet une bouteille d’eau (le choix étant fait d’interpréter l’œuvre, d’une durée raisonnable de 2h15, d’un seul tenant). Il fait du silence un ciment solide entre les épisodes du drame, tenant l’auditoire en haleine. Quand il entre dans la course, vers les abymes, ses rebonds sont nerveux, légers, précis, efficaces, angulés. Sa battue, souvent conventionnelle, fait de rares et saisissants pas de côté, en direction des chanteurs, ou de tel ou tel pupitre, particulièrement mobilisé par la partition (cor, cor anglais, basson, percussion,…). Il semble parfois même projeter ses mains dans l’orchestre comme un pianiste peut attaquer le clavier. Il tient scéniquement une place de « passeur » entre deux rives, nouant le destin vocal des personnages, souvent disposés de part et d’autre de son estrade, lors des duos. Il impulse l’élan vital wagnérien, proche du désir amoureux, avec des gestes d’artificier, aux protagonistes de la scène, comme il sait accueillir le poids du destin sur ses épaules.
De la phalange surgit, dès les premières secondes, la dimension wagnérienne, moins lourde que large, océanique. L’Orchestre du Gürzenich de Cologne fournit l’énergie qui permet à la musique de gravir un versant escarpé. Le rouleau compresseur acoustique se fait caresse insistante et profonde, depuis le murmure chtonien des percussions jusqu’aux refrains de la petite harmonie, accompagnant la dimension vaudevillesque du drame (incarnée par le père négociant la main, voire les charmes de sa fille au Hollandais). Les cors sont en permanence au travail, avec leurs leitmotive caractérisés, qui ne pardonnent aucune faiblesse. Le chœur masculin vient, à un moment précis du livret, claironner à l’avant-scène : effet de masse et de mouvement saisissant, face à un public “médusé” par un chant de sirènes au masculin. L’ensemble est rendu admirablement cohésif par le travail du chef de chœur Rustam Samedov.
Dans ce monde polarisé, la soprano Ingela Brimberg est une Senta à la fois pure et mature. Elle entre dans le son en se penchant, comme on jette l’ancre, brusquement ou avec douceur, dans le devoir ou dans l’amour. Son timbre de grenade est acidulé, sa projection puissante. Dans ses parties narratives, le legato se fait plus insistant. La diction, claire et précise, s’appuie autant sur un travail des lèvres que de la langue. Son ample vibrato est intelligemment rythmé et vient auréoler ses aigus. Il permet à ses graves de rester voisés.
Le baryton James Rutherford, Le Hollandais, incarne ce personnage de légende. Son timbre est bien corsé, dans l’amertume surnaturelle comme dans l’émotion humaine. Sa diction fait claquer des consonnes féroces, qu’il prend le temps de faire détonner, grâce à la longueur de son souffle. Son large vibrato confère à sa voix un substrat de granit mais il sait aussi puiser de la douceur lors de ses duos avec Senta.
La basse Karl-Heinz Lehner est un fier Daland, plastronnant à souhait, à l’assaut vocal du public dans ce rôle hybride que lui réserve Wagner, exhalaison bouffe dans un drame titanesque. Il va et vient comme un fauve en cage, sans perdre un soupçon de justesse dans l’hyper-grave de sa tessiture. Il met du souffle, du clairon et de la nervosité dans sa ligne, comme pour exprimer subtilement la dimension ordinaire, intéressée, de l’humanité.
L’Erik, éconduit, du ténor Maximilian Schmitt, leste son personnage de sa pâte lyrique, suave et clarine. Son timbre est rougeoyant, ce que soulignent également les lumières colorées, projetées en fond de scène, qui s’offrent en contrepoint du spectacle. Sa conduite de la phrase, malgré quelques aigus un peu raides -la fatigue se faisant sentir-, s’appuie sur un sens de la progression dramatique, de la tendre plainte jusqu’à la colère, que seconde la longueur de son souffle.
L’autre ténor de la distribution, archétype vocal totalement différent, plus léger, plus bel cantiste, est le timonier (der Steuermann) de Dmitry Ivanchey. Ses interventions, sporadiques, sont cependant nécessaires au déroulement dramatique, ce que confirme la qualité de son instrument, empreinte vocale ductile et légère, ainsi que son timbre lumineux et moussu. Il accomplit, tout sourire, ses sauts d’octave, allumant ses consonnes avec de petites allumettes, constamment à l’écoute des textures orchestrales.
Un bémol peut être apporté au rôle de Mary, campé par la mezzo-soprano Dalia Schaechter, dont le timbre étrangement stylisé, plus proche du dramaturge anglais Shakespeare que du poète allemand Heine, rompt avec le torrent naturel de la distribution.
Le public applaudit sans réserve et longuement, debout ou assis, l’ensemble des protagonistes, appelant un bis qu’il sait impossible, comme pour exprimer, rythmiquement, sa reconnaissance et sa gratitude envers le monde musical vivant réuni sur la scène aixoise.
Florence Lethurgez | 11 April 2023