Das Liebesverbot

Fausto Nardi
Cor de Cambra del Palau de la Música Catalana
Ensemle de l’Orquestra de Cadaqués
Date/Location
3 August 2013
Castell de Peralada
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Friedrich Alex Sanmartí
Luzio David Alegret
Claudio Vincenç Esteve Madrid
Antonio Victor Sordo
Angelo Daniel Morales
Isabella Jùlia Farrès-Llongueras
Mariana Mercedes Gancedo
Brighella Enric Martínez-Castignani
Danieli David Pastor
Dorella Rocío Martínez
Pontio Pilato Marc Rendón
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Reviews
seenandheard-international.com

Das Liebesverbot, also known as Die Novize von Palermo, is the first opera that Richard Wagner premiered, although not the first opera he wrote: that was Die Feen (The Fairies) which was never performed in Wagner’s lifetime. The premiere of Das Liebesverbot took place in Magdeburg in 1836 and it was such a huge fiasco that it too was not staged until after Wagner’s death. Few have been the occasions where the opera has been revived at all. Among them it should be noted the most successful of all was productions was conducted by Wolfgang Sawallisch in Munich in 1983 to celebrate the centenary of the composer’s death. It seems that the second centenary of the birth of Richard Wagner has made more than one opera house look back to these first Wagner operas. Now that Das Liebesverbot has been perfromed, as it was last month, albeit in concert form, at the Sports Palace in Bayreuth, others may follow. This includes the Perelada Festival which decided to program it in what is certainly the absolute premiere of the opera in Spain.

Das Liebesverbot is a comic opera that follows the tradition of French and Italian opera of its time, but occasionally, here and there, the mature Wagner appears. Any opera afcionado could identify passages reminiscent of Tannhäuser and even Tristan. The opera is easy to listen to, with some attractive arias, duets and ensembles, and certainly it does not deserve to have fallen into complete oblivion. In my opinion its biggest problem lies, as in many other Wagner operas, in the libretto, written as always by the composer himself. The original opera is over 4 hours long. Sawallisch and Ponnelle, on the above mentioned occasion in Munich, made the right decision to make cuts and it was, as such, reduced to 2 hours and 35 minutes. The one performed at Perelada included additional cuts so that in total it is something short of 2 hours. What we lost in music, we gained in agility.

The Perelada Festival offered a shortened version of the opera, not only in its length, but also in its orchestration, using a score for small chamber orchestra that Frank Böhme made for the Festival of Young Artists at Bayreuth in 2005. Here the orchestra of 15 musicians was well suited for the small space of the church. The performance was done in ther central nave with seats along the sides of the church. The orchestra itslef was placed at the altar. The space neeed, as you can imagine, was so small that it would be a difficult transition for this orchestral and vocal version to play in a big house.

The staging by Georgios Kapoglou was more a semi-staged than a fully staged production. There were no sets, only a space where soloists and extras move, and where there was little else but some chairs and a table. The costumes were quite simple and reflected the styles of the 70s. What does stand out though is the stage direction. Mr. Kapaglou did a great job with the whole group of young singers, choristers and extras. It was a perfect example of how to do much with very little. The opera was sung in German with dialogues in Catalan. The musical direction was in the hands of Italian Fausto Nardi. Both the director and the orchestra fulfilled their mission although the sound lacked brightness. Nevertheless, I must say that both the musical and stage directions resulted in a very lively performance. The Chamber Choir was quite good as were their voices as the secondary characters in the opera. All the singers showed a rare intensity as if they themselves were living the characters lives.

Catalan soprano Julia Farrés-Llongueras was a remarkable Isabella, having both an attractive voice, with a good deal of expressiveness, and an attractive figure on stage. The most important voice in the cast was baritone Alex Sanmartí in the character of Friedrich. This singer would have no problems being heard in a large house as he has proved in the past both at Liceu and Bilbao. His singing, though is often loud and short of nuances, and as a result can become rather monotonous.

The other females in the cast succeeded in their roles: Rocio Martinez made for a remarkable interpreter of Dorella and Mercedes Gancedo did well in the second act aria of Marianna. David Alegret who played the part of Luzio had a small voice, but handled it well as is usual in his case. The other tenor, Vicenç Esteve Madrid, had to deal with the almost impossible role of Claudio yet was still somehow convincing. Enric Martínez-Castignani was well suited to Brighella, the Chief of Police.

The Iglesia del Carmen had a capacity of some 320 seats and was about 90% filled. The audience gave an excellent reception to all the singers.

José Mª. Irurzun | Perelada Castle’s Church, 4.8.2013

forumopera.com

Annoncé comme une contribution aux célébrations du bicentenaire de Richard Wagner, ce Das Liebesverbot encore rarissime avait de quoi titiller les attentes. Désireux d’obtenir avec cette œuvre, selon ses propres dires, fortune et réputation, le jeune compositeur de 22 ans choisit dans le théâtre de Shakespeare Mesure pour mesure, dont il réalise lui-même l’adaptation, pour écrire un grand opéra-comique. Disparu sans retour après le fiasco de la création – imputable à maintes causes extramusicales – le titre ne revit la lumière qu’en 1923 à Munich, en 1957 à Dortmund, en 1973 au Festival des Jeunes Artistes de Bayreuth mais c’est l’enregistrement réalisé au cours des représentations données à Munich en 1983 qui permit sa diffusion à vaste échelle et constitue jusqu’à présent la référence. Wolfgang Sawallisch avait largement élagué la composition, ramenant sa durée à environ deux heures quarante. Mais c’est une autre version commandée en 2005 à Georgios Kapaglou par le Festival des Jeunes Artistes de Bayreuth que le Festival Castell de Peralada a choisi de présenter. Sera-t-il permis, sans jouer sur les mots et malgré la caution de Bayreuth, de parler de demi-mesure ? En effet, tant l’adaptation du livret par Kapaglou que l’arrangement de la partition par Frank Böhme réduisent l’oeuvre à une heure cinquante et l’effectif orchestral est celui d’un petit orchestre de chambre qui intègre néanmoins des instruments nouveaux. Cela précisé, ce que l’on entend n’est en rien désagréable. Mais alors que Sawallisch recommandait d’oublier tout ce que l’on sait sur Wagner pour se laisser emporter par la pétulance d’une composition où les « à la manière de » abondent, les cibles du jeune arriviste en 1835 (année de la composition) étant Rossini, Donizetti et Bellini, Frank Böhme semble s’être ingénié à gommer autant que possible les traces orchestrales de ces références pour souligner les échos de Weber, voire de Beethoven et renforcer les accents qui annoncent les développements mélodiques et harmoniques du Wagner à venir. Le résultat, on l’a dit, n’est ni sans intérêt ni sans saveur. Mais peut-on encore parler de Das Liebesverbot, livret et musique de Richard Wagner ? Si les adaptations théâtrale et musicale sont étroitement liées, comme à l’origine, le choix de Georgios Kapaglou de relier la révolte racontée dans le livret aux soulèvements de 1968 amène Frank Böhme à employer saxophone et guitare électrique ! Celui-ci, pour éteindre les échos des modèles musicaux italiens donne à la nouvelle orchestration une coloration dramatique qui méconnaît ainsi maints aspects comiques et transforme par suite l’esprit de certaines scènes. En outre les dialogues sont interprétés en catalan, choix explicable mais discutable !

Au-delà de la conception, restent les acteurs de la réalisation, musiciens et chanteurs. Tous méritent des louanges appuyées. La nef unique de la belle église gothique est bordée de gradins entre lesquels s’étend un tapis de graviers qui sera la lice démesurée où se joueront les affrontements. L’orchestre, que le chef dirige face à la nef, est installé dans le chœur. La circulation des personnages se fait aussi bien des sacristies vers le centre (ou vice versa) que de l’extérieur (par le portail d’entrée) vers l’intérieur et inversement. Maître d’œuvre de l’exécution Fausto Nardi, qui dirigeait déjà cette version en 2005 à Bayreuth et participa même aux arrangements musicaux, la possède manifestement sur le bout des doigts et met lumineusement en relief les choix de Frank Böhme, d’une battue précise et vigoureuse mais jamais brutale. Premiers et derniers intervenants les choristes du Chœur de Chambre du Palais de la Musique Catalane sont aussi remarquables sur le plan vocal que sur le plan théâtral, sans la moindre baisse de tension ou de concentration, peut-être grâce à l’absence d’un entracte. Le constat est heureusement le même pour presque tous les solistes. Si la voix de Mercedes Gancedo, dans le rôle un peu effacé de Mariana, est parfois un peu verte dans son registre aigu, celle de Rocio Martinez, aguichante Dorella, et surtout celle de Julia Farrès-Llongueras, vibrante Isabella, ont l’étendue et la souplesse requises par une écriture où l’empreinte italienne reste forte. David Alegret trouve en Luzio, étourdi mais bon cœur, une intéressante occasion de briller sans les risques des rôles rossiniens. On sera moins enthousiaste pour le Claudio de Vicenç Estève Madrid, pour des aigus dans le nez et des regards trahissant une moindre concentration. On le sera autant pour le Brighella d’Enric Martinez-Castigniani ; nous n’aimons pas la dramatisation du personnage, mais nous saluons le talent de l’interprète. On le sera davantage encore pour Alex Sanmarti, dont la voix profonde et le jeu donnent un relief saisissant aux affres du puritain Friedrich.

Porté par cet engagement collectif, des lumières judicieusement réglées (Marco Philipp) permettant de créer des climats différents, y compris d’intimité, quelques meubles suggérant tel ou tel lieu, les déplacements dans l’espace permettant d’animer ce ring sur toute sa longueur, le travail conjoint de Georgios Kapoglou, Andreas Zeissig et Peter Sommerer (mise en scène, dramaturgie, scénographie et costumes) donne une vie réelle au spectacle. Tout juste regrettera-t-on que la revendication d’aimer librement et qui l’on veut s’accompagne de celle de boire immodérément, à en juger par les manifestations d’ivresse récurrentes ! Manifestement séduit par la proposition le public ne ménage pas ses applaudissements et c’est dans l’euphorie visible des artistes que prend fin ce singulier hommage à Wagner.

Maurice Salles | 04 Août 2013

ConcertoNet.com

Les nonnes de Wagner

Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Richard Wagner, le festival du château de Peralada a tenu à lui rendre hommage en redonnant sa chance à la vraie rareté que constitue son opéra La Défense d’aimer, le deuxième écrit par le compositeur allemand. Même dans les pays germaniques, l’ouvrage n’est quasi jamais représenté, le public wagnérophile ne semblant toujours pas prêt à accepter que leur dieu, celui qui donna à l’opéra allemand ses lettres de noblesse, ait été amoureux dans sa jeunesse non seulement de Beethoven et de Weber, mais également de Bellini et d’Auber, de Marschner et de Rossini, de Spontini et de Meyerbeer (auxquels Wagner paie un hommage appuyé dans sa partition).

Pour comprendre et apprécier La Défense d’aimer ou la Novice de Palerme, créée à Magdebourg en mars 1836, il faut posséder une certaine connaissance de cette période de l’âge d’or de l’opéra. De fait, ce Grosse Komische Oper en deux actes, tiré de Mesure pour mesure de Shakespeare, est probablement le plus bel hommage d’un jeune compositeur à ses illustres contemporains. Dès l’Ouverture, on sent la profonde influence de Weber, même si le beau prélude du deuxième tableau annonce de manière très précise Lohengrin. Dans la scène suivante, les thèmes de Tannhäuser se font entendre, le duo entre Lucio et Isabella étant le brouillon de celui entre Erik et Senta (Le Vaisseau fantôme), avant de s’achever sur les interrogations d’Elisabeth (Lohengrin).

Cette somme de références pourrait séduire les wagnériens, mais les célèbres leitmotivs se mêlent cependant aux réminiscences du théâtre napolitain dans le duetto bouffe entre Brighella et Dorella, tandis que l’air «Il bel nome di mia sposa» de Rossini (Le Barbier de Séville) est explicitement cité. L’influence de Beethoven se fait sentir surtout dans la scène de la prison, et tout particulièrement dans le personnage de Friedrich, calqué sur Pizarro, en dépit d’un air et d’une cabalette tout meyerbeeriens. Quoi qu’il en soit, le résultat est une musique fascinante et hybride, chatoyante et dérangeante à la fois, où tout se mélange parfois de manière anachronique.

Difficile de donner une unité stylistique à tant de composantes contradictoires. Le metteur en scène grec Georgios Kapoglou a choisi la carte de la sobriété et de la réactualisation (les années 1970 contestataires) avec les contraintes d’un lieu original, puisque la représentation se tenait dans la nef de la très belle église gothique du village de Peralada (qui jouxte le château). Trois rangées de gradins ont ainsi été accolées aux chapelles latérales tandis que toute la nef est utilisée par les comédiens-chanteurs qui entrent et sortent par le porche d’entrée ou – à l’opposé – la sacristie. La proximité avec les artistes, dont le public peut jouir pendant toute la représentation donnée sans entracte, renforce l’impact dramatique de l’œuvre, d’autant que la direction d’acteurs s’avère tirée au cordeau.

L’équipe vocale, essentiellement catalane, rend pleinement justice à l’ouvrage wagnérien. Isabella, la novice farouche qui résiste aux avances du redoutable Friedrich et parvient par la ruse à dénoncer l’absurdité de la loi interdisant tout plaisir pendant le carnaval, a les accents volontaires de Júlia Farrés-Llongueras, dont la tierce aiguë impressionne, tandis que la longueur de sa ligne de chant et sa science du phrasé enchantent. Rocío Martínez en Dorella, l’autre novice qui, répudiée par Friedrich, se réfugie au couvent puis retrouve son amour perdu, laisse présager quelle merveilleuse Agathe du Freischütz et même Elsa de Lohengrin elle serait, avec son timbre pur et sa musicalité sûre. Mercedes Gancedo, l’espiègle Mariana qui fait immanquablement penser à Despina dans Così fan tutte, a la voix et l’abattage du rôle.

A Alex Sanmartí – très apprécié le mois passé au Liceu de Barcelone dans Rienzi – revient la tâche lourde et ingrate de défendre le gouverneur Friedrich qui, démasqué par Isabella, finit par abolir son injuste décret. Ses graves profonds et ses talents de comédiens restituent parfaitement à ce personnage sa noirceur et sa veulerie. Vincenç Esteve Madrid possède toute la souplesse et le brio exigés par le rôle de Claudio tandis que David Alegret a la vaillance, la classe vocale et le contrôle de l’émission requis par le personnage de Luzio. Les comprimari n’appellent aucun reproche, avec une mention pour le Brighella haut en couleurs de Enric Martínez-Castigniani.

Au pupitre, le chef italien Fausto Nardi dirige – face au public et depuis le chœur de l’église où a été installé l’Ensemble orchestral de Cadaqués –, avec une conviction communicative, respectant l’esthétique de la partition, sans la tirer vers un Wagner plus engagé et ambitieux. Il est aidé en cela par le travail de Frank Böhme, qui a réorchestré la partition en allégeant l’effectif orchestral et en l’écourtant d’une heure de musique environ.

Des applaudissements nourris sont venus, de façon très méritée, couronner la représentation, qui fait honneur au festival catalan.

Emmanuel Andrieu

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Technical Specifications
Remarks
Broadcast from the Festival de Peralada
A production by Georgios Kapoglou
Possible dates: 3, 4 August 2013