Parsifal

James Conlon
Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Date/Location
21 February 2001
Opéra Bastille Paris
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Amfortas Thomas Hampson
Titurel Tom Krause
Gurnemanz Jan-Hendrik Rootering
Parsifal Plácido Domingo
Klingsor Richard Paul Fink
Kundry Julia Juon
Gralsritter Jean-Pierre Trevisani
Yuri Kissin
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Reviews
ConcertoNet.com

Reprise d’une peu convaincante production de 1997, ce Parsifal évolue entre le kitsch (des anges avec armures et ailes multicolores) et le grotesque (Kundry représentée en débile mentale dans le premier acte) au milieu d’un omniprésent et étouffant hangar blanc. La mise en scène de l’anglais Graham Vick se bonifie d’autant moins qu’il ne vient même pas en assurer la reprise et confie ce soin à un subalterne. Résultat, le jeu d’acteur se délite, Julia Juon prend des poses forcées dans le deuxième acte, Placido Domingo reprend les gestes de ses précédentes incarnations (un moindre mal !). Mais cela on le savait et l’on pouvait donc en faire mentalement abstraction pour se concentrer sur la musique. On est par contre franchement déçu par la piètre prestation de James Conlon, que l’on avait pourtant apprécié dans Lohengrin. Trop rapide et trop soucieuse d’effets dynamiques, sa battue gomme tout mystère, toute sacralité. La « musique de la transformation » ouvrant la scène du Graal dans le premier acte est prise à un tempo de cavalerie totalement anachronique ; Jan-Hendrik Rootering doit avaler la fin de ses phrases au début du troisième acte et ses regards inquiétés vers la fosse restent sans réponse.

Heureusement, la distribution vocale offrait d’inépuisables richesses ! Celui dont le nom pourrait, comme au cinéma, figurer au-dessus du titre de l’œuvre – Placido Domingo – ne se repose pas sur sa notoriété et se donne sans compter dans un saisissant deuxième acte. Le timbre est superbe, la prononciation sans reproche, la puissance toujours présente. Déjà titulaire du rôle à Paris, l’imposant et endurant Jan-Hendrick Rootering confirme sa place parmi les meilleurs Gurnemanz actuels. La richesse de sa voix lui permet d’exprimer tous les sentiments traversant le fidèle chevalier, de la colère au doute, du désespoir à l’espérance. Faisant ses débuts à l’Opéra de Paris, l’américain Richard Paul Fink impressionne par l’insolence de sa santé vocale, son timbre très sombre dans un Klingsor brutal et d’un bloc. Son timbre trop uniforme et ses aigus trop durs desservent la Kundry de Julia Juon, mais son engagement lui permet d’assumer l’exigeant deuxième acte. Les filles-fleurs sont excellentes et l’on aura remarqué la très belle voix de Marie Devellereau. S’ils furent tous largement ovationnés, le public aura réservé ses applaudissements les plus nourris à Thomas Hampson. Incarnant Amfortas pour la première fois, il allie l’articulation, le contrôle et la finesse du chanteur de lieder à la puissance et à l’investissement dramatique du chanteur lyrique. La ductilité de sa voix semble sans limite et chaque mot, chaque phrase prennent vie intensément.

Philippe Herlin

Liberation

UN «PARSIFAL» FOLLEMENT VOCAL

Il est un peu moins de 18 heures dans le hall de l’Opéra-Bastille, en ce jeudi 15 février où Placido Domingo chante pour la première fois à Paris le rôle-titre de Parsifal, et où le baryton américain Thomas Hampson chante pour la première fois de sa vie le rôle d’Amfortas. Autant dire qu’il n’y a plus une seule place à vendre pour les cinq représentations de cette reprise de la production que signa Graham Vick en avril 1997. Bien que conjuguant le roc et le Plexiglas, en droite ligne du modèle «philosophale» déposé par Wieland Wagner, cette production avait à l’époque divisé. Mais c’est un détail, eu égard à la chance d’entendre Domingo sur scène dans Wagner.

Mat et métallique. Pour tous ceux qui ont en mémoire l’acoustique des Festspielhaus de Salzbourg ou Bayreuth et du Met, il faut dès à présent faire son deuil de la grande expérience magique, inspirée à Wagner par le poème épique de Wolfram von Eschenbach. Rares sont les chefs à savoir composer avec le son mat et métallique de Bastille, comme filtré par une grille de rasoir électrique. Sous la baguette d’un James Conlon à la conception de la partition si peu tendue, rigoureuse ou fervente, la soirée s’annonce mal.

Pour traduire le mélange de militarisme et d’ascétisme monastique, de douleur et d’éclat de la partition, il faut des écarts dynamiques autrement plus accusés, un sens littéralement océanique de la mélodie continue. A aucun moment, Conlon ne va donner l’impression que Wagner joue sa «dernière carte» comme il le disait à sa soeur Cosima, allant même jusqu’à signer de son sang empoisonné, l’éloquent livret dans lequel «désirer et mourir reviennent au même». Le décalage entre cette bande-son FM, comme si on avait compressé et écrêté l’orchestre, et le luxuriant plateau vocal n’en est que plus criant: rien moins que les monumentaux Tom Krause en Titurel, Jan-Hendrick Rootering en Gurnemanz. Thomas Hampson, qui tient tout le premier acte sur ses épaules, offre un Amfortas d’anthologie, festival parfaitement articulé de nuances interprétatives, et composition dramatique aussi saisissante que son Onéguine ou Doktor Faustus.

Sobre humanité. Au deuxième acte, Domingo semble un peu en retrait aux côtés de la mezzo Julia Juon, qui fait une Kundry d’une élégance vocale infernale. A 65 ans, le ténor espagnol ­ qui n’en avoue plus que 60 dans les médias ­ a non seulement conservé l’essentiel de ses couleurs, le contrôle de sa projection légendaire, mais gagné en sobre humanité, ce qu’il a peut-être perdu en flamboiement. Sous la baguette d’un Valery Gergiev, sachant gérer hurlement et suavité des textures orchestrales, figures de rhétorique néobaroques et sonorité spectrale, juxtaposition du diatonique et du chromatique, et dilatation extrême du temps, l’interprétation subtilement intériorisée de Domingo avait eu, il y a deux ans à Salzbourg, un tout autre impact. Mais les Grundmotive de Wagner, le décor minimaliste de Paul Brown ouvert sur la nuit, et les lumières chaudes de Matthew Richardson, finissent par hypnotiser au troisième acte. Et entraîné par ce qui restera comme une très grande distribution wagnérienne, on s’abandonne au déploiement exponentiel de ce premier opéra de l’indétermination et du devenir, qui fascina des compositeurs aussi différents que Debussy et Stravinski.

Eric Dahan | 17 février 2001

Rating
(6/10)
User Rating
(4/5)
Media Type/Label
Premiere, HO
Technical Specifications
192 kbit/s CBR, 44.1 kHz, 316 MByte (MP3)
Remarks
Broadcast (France Musique)
A production by Graham Vick (1997)