Das Rheingold
Ingo Metzmacher | ||||||
Orchestre de la Suisse Romande | ||||||
Date/Location
Recording Type
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Wotan | Tom Fox |
Donner | Thomas Oliemans |
Froh | Christoph Strehl |
Loge | Corby Welch |
Fasolt | Alfred Reiter |
Fafner | Steven Humes |
Alberich | John Lundgren |
Mime | Andreas Conrad |
Fricka | Elena Zhidkova |
Freia | Agneta Eichenholz |
Erda | Maria Radner |
Woglinde | Polina Pasztircsák |
Wellgunde | Stéphanie Lauricella |
Floßhilde | Laura Nykänen |
« On se défera difficilement du Ring de Chéreau » dit-on depuis quelques décennies. Dès lors qu’un Ring se conçoit sous l’angle historique et social, l’ombre portée de la désormais classique « production du millénaire » se rappelle en effet au public. Mais toute monumentale qu’elle est, elle demeure inscrite dans son époque. Quelque 30 ans plus tard, les choses ne sont plus tout à fait les mêmes, tant du point de vue de l’idéologie, que de celui de la musique. En confiant au metteur en scène Dieter Dorn et au chef d’orchestre Ingo Metzmacher la création d’une nouvelle Tétralogie, l’Opéra de Genève se donne les moyens d’un Ring mémorable : les deux maîtres d’ouvrages s’inscrivent dans une fascinante continuité avec le couple Chéreau / Boulez.
Boulez, parce que Ingo Metzmacher poursuit la recherche d’un Wagner « chambriste », soit débarrassé des habitudes tonitruantes inhérentes à son exécution. Si l’on souhaiterait quelques contrastes plus marqués ici et là, on gagne en revanche une transparence des pupitres et du propos musical rarement entendue. En permettant aux chanteurs de ne jamais avoir à pousser la voix, le chef offre la possibilité de nuances nouvelles : la partition du maître de Bayreuth se livre dans toute sa subtilité, et il est bien des moments que l’on se prend à redécouvrir. Tom Fox enWotan sait faire preuve d’une superbe autorité vocale lorsque cela s’impose, mais le reste du temps, il sait aussi être un maître des Dieux tout en nuances. Chez les Dieux toujours, Thomas Oliemans en Donner nous donne un « Heda ! Heda ! Hedo ! » heureux, mais qui épargne la trop commune démonstration vocale en force, quand la projection remarquable et la richesse du timbre d’Elena Zhidkova en Fricka nous font espérer la retrouver dans Die Walküre. John Lundgren en Alberich trouve une palette d’intentions qui en fait non seulement un noir esprit mais aussi un nain lubrique et joueur, le tout en offrant toujours une vocalité riche et idiomatique pour le rôle. Les deux géants (Alfred Reiter et Steven Humes) surprennent par la clarté de leur timbre. Au vu de l’orientation prise dans le travail musical, cette perspective se justifie, on l’aura compris, pleinement. Enfin, Corby Welch est un Loge idéal, aussi bien scéniquement que musicalement, avec ce timbre qui sait n’être pas trop « beau », tout en affichant une aisance absolue dans ce rôle où il semble absolument libre et où chaque son est chargé d’intention.
Quant à la filiation avec Chéreau, on l’aura compris, elle se réalise dans la lecture de Dieter Dorn, qui envisage le prélude du Ring sous son aspect social ; on retrouve à ce titre quelques propositions connues : les Niebelungen en tant que prolétaires exploités par l’anneau, ou les Filles du Rhin qui ressemblent à des filles de joie. Toutefois, ce qui distingue cette lecture des modèles antérieurs, c’est qu’elle ne se cantonne pas à cette dimension mais parvient à intégrer autant les aspects politiques que métaphysiques et esthétiques, en une conception qui rejoint nos réflexions contemporaines. Ainsi les dieux jouent-ils de leur supériorité sociale, certes, mais ils sont aussi bel et bien des dieux, qui empruntent leur apparence aux sources de l’humanité, en une une synthèse d’imaginaires occidental et oriental. La beauté de leur apparition, masqués, sur un plateau dépouillé où Fricka récolte une pluie de pétales de roses, empêche radicalement toute lecture à thèse. Surtout, les fondamentaux du drame sont réinvestis : Dorn parvient en effet à redonner à chaque instant du Rheingold son enjeu propre et à construire des personnages dont les évolutions sont d’une finesse inégalée. Là où beaucoup privilégient l’action générale, les enjeux globaux, au détriment de toutes les micro-actions de l’œuvre, on assiste ici à une dramatisation de tous les instants, où chaque intervention modifie le rapport entre les protagonistes, où chaque réplique est prise au sérieux, exploitée, travaillée pour nourrir le drame. En témoigne le Niebelheim, qui sourd des tréfonds de la scène, et où les transformations d’Alberich sont réalisées par d’envoûtants jeux de miroir, en une sorte de prestidigitation mise en abyme. En témoigne aussi le personnage de Loge, idéalement construit dans une nonchalance assurée, moins malicieux mais plus intelligent, et d’une laideur bien plus humaine et donc, bien plus efficace. La conséquence en est que l’action théâtrale gagne des tensions, des évolutions, des enjeux jusqu’alors insoupçonnés.
La valeur de L’Or du Rhin dépend de ce que l’on fera, dans les épisodes suivants, des pistes esquissées. On attend de voir si ces promesses se réaliseront dans la suite de ce nouveau Ring genevois, qui sera donné en intégralité en mai 2014.
Christophe Schuwey | 09 Mars 2013
En cette année du deux centième anniversaire de la naissance de Richard Wagner, Genève se lance à son tour dans l’aventure du Ring. Le cycle, qui vient de débuter avec L’Or du Rhin, s’étendra sur deux saisons et sera présenté dans son intégralité en mai 2014. Le metteur en scène Christof Loy, chouchou de la direction du Grand Théâtre, avait été pressenti au départ pour piloter le projet, mais c’est finalement Dieter Dorn qui en a pris les rênes. Si l’homme de théâtre allemand, âgé de 77 ans, a de nombreuses productions lyriques à son actif, cette Tétralogie genevoise est en revanche une première pour lui.
Comme il l’explique longuement dans le programme de salle, Dieter Dorn a souhaité revenir aux sources. Le metteur en scène signe un spectacle narratif et linéaire, sans transposition ni actualisation, sans résonances philosophiques, historiques ni même politiques, bref un spectacle d’une grande lisibilité, que tout un chacun peut comprendre et apprécier. Et Dieu sait pourtant si l’œuvre de Wagner peut titiller l’imagination des metteurs en scène ! Avouons-le d’emblée : à une époque où certains prennent un malin plaisir à se laisser aller, dans leurs productions, aux divagations les plus saugrenues, quel bonheur que d’assister à une représentation fraîche et naïve, très premier degré, avec certes quelques moments kitsch, mais sans prise de tête ! Sur un plateau noir et vide, Dieter Dorn et son scénographe Jürgen Rose utilisent des matériaux et des accessoires simples : des cubes de bois entassés les uns sur les autres pour former le rocher des ondines, une tente blanche pour figurer la demeure des dieux, des jeux de miroir convaincants pour les transformations d’Alberich ou encore une immense tenture de toutes les couleurs et une montgolfière pour la montée au Walhalla. La scène dans les entrailles du Nibelheim est particulièrement réussie, avec son immense structure métallique noire, qui rend de manière particulièrement forte l’exploitation, l’enfermement, la chaleur et la sueur. Dieter Dorn a apporté le plus grand soin à la direction d’acteurs ainsi qu’aux relations entre les personnages. Ce qui frappe le plus dans ce Prologue, c’est la lumière crue qu’il jette dès le départ sur les dieux, personnages cupides et égocentriques, qui ne sont, en fin de compte, que des pantins.
A la lisibilité et la sobriété de Dieter Dorn sur scène font écho la simplicité et la clarté de la direction d’Ingo Metzmacher dans la fosse. Pour le chef allemand aussi, ce Ring est une première. Oubliés ici les poncifs associés à la musique Wagner, oubliées la pompe et l’emphase ! On a l’impression de redécouvrir toute la transparence et la subtilité de la musique du maître de Bayreuth. Cet Or du Rhin sonne comme une partition de chambre. Les quelques bémols relevés çà et là – contrastes peu marqués, manque de précision et de coordination – n’enlèvent rien à l’originalité de la lecture. Qui plus est, les chanteurs n’ont nul besoin de pousser la voix pour se faire entendre. La distribution n’a beau ne compter aucune pointure du chant wagnérien actuel, elle n’en demeure pas moins d’un excellent niveau et d’une rare homogénéité. On mentionnera en premier lieu l’Alberich à la voix particulièrement sonore de John Lundgren, dont les imprécations font froid dans le dos. Cory Welch fait également forte impression en Loge mutin et roublard à souhait, avec une très forte présence scénique. Tom Fox, formidable Richard III l’hiver dernier, campe un Wotan retors et avide de pouvoir, quand bien même le rôle lui coûte, vocalement, quelques efforts. Chez les dames, on retient surtout la superbe Fricka d’Elena Zhidkova, à la voix puissante et agile à la fois, et la touchante Freia d’Agneta Eichenholz. Un Prologue prometteur, tant scéniquement que vocalement, qui laisser augurer le meilleur pour la suite du Ring genevois.
Claudio Poloni | Grand Théâtre 12 mars 2013
Ce soir s’inaugure le premier rendez-vous genevois avec les deux siècles de l’homme du grand renouveau théâtral. Ce bicentenaire, Tobias Richter, directeur général du Grand Théâtre, le fête avec une nouvelle Tétralogie qu’il confie à Dieter Dorn, un vétéran de la scène allemande, et au sémillant Ingo Metzmacher qui dirige l’Orchestre de la Suisse Romande.
Commencer un Ring en mars 2013 dut nécessairement poser de nombreux obstacles quant aux choix de distribution, toutes les voix wagnériennes se trouvant engagées de longue date de par le monde. Pourtant, la maison réussit à réunir une équipe équilibrée dont la prestation se tient, dans l’ensemble (le détail est moins heureux, nous y reviendrons). Ainsi des trois Filles du Rhin, clairement différenciées tout en offrant l’avantage d’une unité stylistique salutaire. Laura Nykänen (Flosshilde), Stephanie Lauricella (Wellgunde) et PolinaPasztircsák (Woglinde) introduisent honorablement ce Rheingold. Plus pâle, Maria Radner, pour s’avérer techniquement irréprochable, n’en possède pas pour autant l’aura d’Erda, comme en témoigne une apparition peu concluante. En revanche, Agneta Eichenholz campe une Freia de feu, remarquablement impactée, qui place l’écoute dans un sain confort. Des incarnations féminines, la plus attachantes est assurément celle d’Elena Zhidkova : récemment applaudie en Venus [lire notre chronique du 3 juin 2012] et plus encore en Kundry [lire notre chronique du 23 mars 2012], le mezzo-soprano russe livre une Fricka de haute tenue, plus humaine et nuancée qu’il est de coutume, à laquelle elle prête une présence scénique sensible et inventive.
Le cast masculin pose quelques soucis. Pour avancer bravement une registration indiscutable, Corby Welch « balance » un Loge relativement brutal qui doit tout son succès à un grand numéro de cabotinage plutôt qu’à un chant dignement conduit. Christoph Strehl donne un Froh flottant et terne. Quant aux géants, on retrouve le solide Titurel entendu deux ans plus tôt [lire notre chronique du 14 avril 2011], Steven Humes, dans un Fafner d’airain qui fait malaisément la paire avec un Alfred Reiter nettement moins en forme qu’à Francfort [lire notre chronique du 25 janvier 2013] : tout en infléchissant tendrement le phrasé amoureux, son Fasolt accuse un aigu parfois problématique. Enfin, le Wotan de Tom Fox masque difficilement ses fragilités vocales : vibrato intrusif, nuance détimbrée et intonation incertaine donnent à penser qu’il en faudra impérativement changer pour Die Walküre (novembre prochain).
Trois autres gosiers s’imposent sans faille, toutefois : Thomas Oliemans offre un Donner bien chantant au timbre riche, Andreas Conrad fait merveille en Mime, toujours parfaitement projeté, usant d’un impact de longue portée à couleur claire, tandis que le baryton suédois John Lundgren convoque l’évidence d’une émission généreuse, un bel éventail expressif et une ampleur de bon aloi dans la partie d’Alberich, luxueusement servie (la voix du Hollandais !).
Avec ses ondines en roller, un trésor rhénan en caisses échouées au fond du fleuve, le campement provisoire des divins dans l’attente du Walhalla et autres figurations souvent ingénieuses, la mise en scène de Dieter Dorn transite à grandes enjambées dans une littéralité à peine soulignée. Un effet de surprise dessine chaque nouvelle scène, trop rapidement suivi d’un abandon qui place la démarche dans une accumulation gaguesque plutôt que dans une pensée construite et menée. Il va sans dire que ce grand homme de théâtre ne façonne pas son Ring à la légère, mais on regrette une conception fort « classique » sous le vernis « branché » et une direction d’acteurs qui se concentre sur certains rôles en faisant de grossiers raccourcis pour d’autres. D’ici l’automne, il est probable que les choses décanteront vers une Walkyrie plus efficace.
La plus grande surprise demeure la lecture d’Ingo Metzmacher – une surprise qui n’est pas des meilleures. Voilà un chef que toujours nous suivons avec grand intérêt, un musicien qui fit ses preuves plus qu’à son tour et dans des répertoires divers – de Verdi [lire nos chroniques du 15 juin 2012 et du 21 mai 2006] à Rihm [lire notre chronique du 5 août 2010] en passant par les maîtres du XXe siècle, qu’il s’agisse de Strauss, Berg, Britten [lire notre chronique du 21 janvier 2010], Maderna [lire notre chronique du 21 avril 2004], Messiaen [lire notre critique du DVD] ou Zimmermann [lire notre chronique du 20 août 2012]. Que se passe-t-il ce soir ? Confus, voire déconstruit, oscillant entre heurts et fadeur, son Rheingold butte encore sur une fosse qui ne semble pas vraiment à jour avec la partition. Gageons que le prochain rendez-vous avec ce Ring sera le bon.
bertrand bolognesi | Grand Théâtre, Genève – 9 mars 2013
A GENÈVE, UN OR DU RHIN ÉCLAIRÉ
La majorité des grandes maisons lyriques profite de l’occasion offerte par ce qu’on a appelé « l’année Wagner » pour redorer leur blason en présentant l’œuvre majeure du citoyen de Weimar : L’Anneau des Nibelungen. La réputation de Genève ne pouvait pas être en reste. Et tant pis si l’originalité de la démarche n’est pas des plus audacieuses. Au risque de recevoir les blâmes, voir les condamnations des « wagnerophiles » inconditionnels, la production genevoise se doit donc de rivaliser avec celle des plus prestigieuses scènes du monde. Un risque malgré tout bien courageux !
On sait combien ce conte fantastique a souvent permis les interprétations scéniques les plus osées, les plus fantaisistes, voir les plus controversées. Qu’allait-on montrer à Genève était la question que les journalistes de l’arc lémanique se posaient alors que l’œuvre se montait depuis près de deux mois dans des locaux aménagés spécialement dans les environs de la cité de Calvin. C’est dire si l’attente était grande au soir de la première. Dans les couloirs du Grand Théâtre, l’affluence germanique inhabituelle est palpable. La langue de Goethe résonne dans tous les recoins du théâtre.
Alors que les spectateurs prennent peu à peu place, dans la fosse, on entend, comme à l’accoutumée des spectacles d’opéra, des musiciens qui répètent encore quelques traits de la partition. Rideau levé, des images vidéo de guerres, d’avions de chasse, de chars d’assaut en noir et blanc sont projetées sur le fond de scène totalement noir. Donnant l’étrange impression qu’on met encore au point les derniers détails du spectacle. Quand, pendant l’ouverture magistrale de cet Or du Rhin, on amène un amas montagneux de caisses de bois, poussé par des personnages entièrement noircis pendant que d’autres figures enveloppées de toiles légères traversent la scène en patins à roulette, ces images parasitent la musique de Wagner. On en vient à craindre le pire sur l’imperméabilité du discours scénique que le metteur en scène allemand Dieter Dorn va proposer.
Dans un sentiment de légère déconvenue, le spectateur voit bientôt un pan des caisses de bois s’ouvrant pour laisser place au chant des Filles du Rhin. Lorsqu’il se referme, les trois grâces, passent tour à tour devant le « rocher » en patin à roulettes, avant de reprendre leurs mélopées. (Habile subterfuge scénique remplaçant les cantatrices par des sosies montées sur roulettes !) Jusque-là, il s’avère un peu difficile d’entrer dans l’univers de Dieter Dorn. Mais, dès que Alberich (John Lundgren) apparaît, le théâtre reprend ses droits. Magnifiquement dirigé, le baryton est un « nain maléfique » dont la prestance théâtrale parfois excessive reste très crédible, ce d’autant plus qu’il s’ingénie à donner un caractère de méchant en forçant un instrument vocal dans des accents terrifiants proches du parlé-chanté.
Alors, petit à petit, Dieter Dorn nous emmène dans son théâtre. Il éclaire le propos et y démontre une belle capacité scénique à s’en tenir à ce que l’intrigue wagnérienne raconte. Et ce n’est pas aisé quand on sait que, dans la dizaine de personnages de cet opéra, chacun y tient un rôle bien particulier. Le metteur en scène allemand emploie habilement les chanteurs pour ce qu’ils sont, et non pas pour ce qu’il voudrait qu’ils soient. C’est toute la difficulté du théâtre lyrique par rapport au théâtre parlé où l’acteur est « au service » du metteur en scène. Presque avant le texte.
Ainsi, si tous les chanteurs de cette distribution ne sont pas de grands acteurs, ils apparaissent tous bien campés dans leurs rôles. A l’instar de la soprano Elena Zhidkova (Fricka) qui exprime mieux vocalement que théâtralement son souci de femme sensible à l’inconcevable marché conclu par Wotan avec les géants Fasolt et Fafner. Même si on aurait aimé qu’elle démontre plus d’autorité, de véhémence, avec sa diction claire, la voix de la soprano russe reste magnifiquement bien conduite sur tout le registre, conférant à son personnage une grande noblesse.
Tom Fox (Wotan) ne convainc pas totalement dans l’autorité du « dieu-en-chef » de L’Or du Rhin. Avec une voix cassant légèrement dans ses aigus, il est déjà le Wanderer de Siegfried.
Mais la voix n’est pas tout. A preuve le ténor Corby Welch (Loge) dont la diversité du jeu scénique, la présence, l’entregent, l’humour font oublier qu’il n’a rien d’exceptionnel dans la voix. Ou peut-être, au contraire, est-ce son formidable talent d’acteur qui fait oublier la beauté de la voix. Reste que son entrée sur scène est un pur moment de bonheur, et que son personnage débridé, totalement décontracté nous plonge dans la comédie loufoque. Autre confirmation du talent de l’utilisation des chanteurs par Dieter Dorn.
Admirable encore, la manière de diriger théâtralement et musicalement les deux frères géants Fasolt (Alfred Reiter) et Fafner (Steven Humes), le premier, avec une voix empreinte de douceur, les aigus quelque peu serrés, reste amoureux de Freia, la fille de Wotan, et la préférant à l’Or du Rhin, alors que Fafner, la voix plus dure, plus franche, s’empare de l’or en tuant son frère. Deux caractères tant musicaux que théâtraux superbement dessinés.
Si jusque-là le théâtre reste toujours présent grâce à la parfaite direction d’acteurs de Dieter Dorn, la véritable émotion musicale tarde. Dans la fosse, l’Orchestre de la Suisse Romande apparaît souvent bien timide. La faute à la direction d’orchestre d’Ingo Metzmacher qui favorise la place des chanteurs. Il semble que Wagner méritait plus d’orchestre, plus de volume sonore que cette approche presque chambriste choisie par le chef allemand.
Cette apparente retenue s’avère bienvenue quand Maria Radner (Erda) sortant du sol chante son injonction Weiche, Wotan, weiche ! à Wotan. Avec sa voix d’une douceur extrême, son legato apaisant, la contralto allemande offre, soutenue par un tapis musical d’exception d’un Orchestre de la Suisse Romande retrouvé, l’un des moments musicaux les plus émouvants de cette soirée.
Malgré les indéniables qualités de ce spectacle, il laisse cependant une légère impression de d’inaccomplissement, de creux dans la réalisation. Certains moments sont enthousiasmants, alors que d’autres restent quelconques. Peut-être faut-il rechercher cette inégalité, dans le choix des décors (Jürgen Rose) parfois impressionnants (comme ceux qui montrent le royaume de Nibelheim, et ses formidables structures métalliques), parfois esthétiquement beaux (comme cette tente blanche abritant Wotan, Fricka, Doner et Froh avançant du fond de scène vers l’avant), mais plus souvent malheureusement kitch (comme cette envol au Walhalla, dans une nacelle qu’emporte un ballon –à l’interminable gonflage- devant une toile arc-en-ciel)-
Même si la lecture wagnérienne de Dieter Dorn mériterait une simplification, un dépouillement scénique, son spectacle a reçu une ovation prolongée d’un public acquis à la cause du metteur en scène allemand. Tout comme les interprètes, au premier rang desquels le baryton John Lundgren (Alberich) s’est offert la part du lion.
Jacques Schmitt | 19 mars 2013
Versuch über den Punkt Null
Zum Wagner-Jahr 2013 wendet sich das Genfer Grand Théâtre dem «Ring des Nibelungen» zu. Der Dirigent Ingo Metzmacher und der Regisseur Dieter Dorn suchen einen neuen Weg – und bringen einige Überraschungen hervor.
Schön wär’s. Aber ist es möglich? Schön wäre wirklich, man könnte zurück: zu den Quellen, zu den Anfängen, wohin auch immer. Jedenfalls weg von der enorm verzweigten, beschwerenden Rezeptionsgeschichte, die sich um Wagners «Ring des Nibelungen» gelegt hat. Künstler glauben an diese Möglichkeit. Der Dirigent sieht sie dann erfüllt, wenn er sich eine neue Ausgabe der Partitur kauft und den jungfräulichen, noch von keinerlei Eintragungen versehrten Notentext vor sich hat. Der Regisseur wiederum glaubt ihn dann zu erreichen, wenn er vom Nachtschwarz der völlig leeren, nackten Bühne ausgeht. So haben es sich Dieter Dorn und sein Ausstatter Jürgen Rose für die neue Produktion von Wagners «Ring» am Genfer Grand Théâtre zurechtgelegt – beide übrigens Nachfolger von Christof Loy, der sich noch in den Vorgesprächen mit dem Genfer Opernintendanten Tobias Richter aus dem Projekt zurückgezogen hat.
Kammermusik, Sprechgesang
Allein, es geht nicht auf. Der Versuch, die neueren Klischees zu umgehen – natürlich wird da auf Wotan mit dem Aktenkoffer verwiesen –, dieser Versuch führt nur zum Aufwärmen der älteren. Im «Rheingold», das vom Genfer Publikum mit viel Beifall aufgenommen worden ist, wird es nur zu deutlich. Zu Beginn kracht unvermutet ein Etwas aus dem Schnürboden auf die Bühne, und gleich danach, nämlich leider zum Vorspiel, wird jener bekannte Felsen hereingezurrt, auf dem Alberich und die Rheintöchter herumturnen – nur ist dieser Felsen hier aus allereinfachsten, wenn auch innen mit Spiegeln versehenen Kartonschachteln gefertigt. Wenn in der zweiten Szene Fricka das Wort ergreift, trägt sie die Peitsche einer Domina in der Hand; das kann ja lustig werden. Für den Besuch der Herren Wotan und Loge im Keller von Nibelheim wird wie üblich die Untermaschinerie nach oben gefahren, und gern sieht man dann wieder einmal einen richtig herrlichen, bühnenbreiten Plüschlindwurm seinen Plüschrachen aufreissen (spektakulär gelöst ist hier allerdings das Verschwinden Alberichs unter seinem Tarnhelm). Alles schon mal da gewesen – so ist es nun einmal bei Wagners «Ring».
Dennoch ist es in Genf keineswegs so wie jederzeit und überall. Denn auch der Dirigent Ingo Metzmacher versucht, auf einen Punkt Null zurückzugehen – das heisst hier: abzukommen vom Kraftstil, wie er sich als wesentliche Schiene der Wagner-Interpretation bis heute behauptet. Er schliesst sich einer neueren Wagner-Sicht an und setzt auf einen leichten, kammermusikalischen Ton, flinke Zeitmasse und geschmeidige Artikulation. Das mindert Pathos und Pomp, schafft dafür dem Zuhörer manch erhellendes Erlebnis, lässt etwa die harmonische Offenheit des Tarnhelm-Motivs klar erkennen. Der an sich interessante Ansatz ist freilich mit dem Nachteil verbunden, dass das Orchestre de la Suisse Romande – es kann übrigens durchaus noch an Präzision gewinnen – in der Akustik des Grand Théâtre zu wenig Gewicht erhält, weshalb die Singstimmen über Gebühr in den Vordergrund geraten. Was von Wagner als Musiktheater gedacht war, als aktives Miteinander von Vokalem und Instrumentalem, wird so wieder zum normalen Untereinander von Singstimme als der Hauptsache und der orchestralen Begleitung, mithin zur Oper.
Wer sich damit abgefunden hat, kann nun allerdings seine Wunder erleben: Theaterwunder. Nicht nur brauchen die Sänger keinen Augenblick zu forcieren, verfügen sie vielmehr über das volle Spektrum ihrer gestalterischen Möglichkeiten, es ist auch, zumal offenbar sehr an der Diktion gearbeitet worden ist, so gut wie jedes Wort zu verstehen. Eine Art Sprechgesang entsteht da, ein Sprechen mit musikalischen Mitteln, wie es sich Wagner, davon zeugen die Berichte aus den Proben zur Bayreuther Uraufführung der Tetralogie 1876, vorgestellt hat. Und mit einem Mal empfindet man die Stabreime, die bei der Lektüre des Textes so sehr an die Lachmuskeln gehen, als vielleicht eigenartiges, aus dem musikalischen Kontext heraus jedoch plausibles Stilmittel. Damit ist die Türe geöffnet für den Schauspielregisseur, der Dieter Dorn ja doch zuallererst ist. Ganz unprätentiös, ohne jeden interpretatorischen Überdruck wird der Mythos ausgebreitet, den die Tetralogie verhandelt, wird die Geschichte als Geschichte erzählt. Und da das Grand Théâtre auf eine überzeugende, etwas abseits des Mainstreams liegende Besetzung baut, gelingt das in erstaunlichem Mass.
Einmal anders
Nicht nur überzeugend, auch in mancher Hinsicht speziell ist die Besetzung. Ungewöhnlich mächtig die Stimme von John Lundgren, der als Alberich mit seinem Fluch das Geschehen in Gang bringt. Bald wird aber klar, dass die Verstrickung von Wotan selber ausgeht, von seinem grenzenlosen Streben nach Machterhaltung – Tom Fox zeigt das mit kernigem Bariton, nur könnte er sein amerikanisierendes Deutsch noch etwas aufpolieren. Die Gattin an seiner Seite, die lauernde und katzenartig agile Fricka, beherrscht das Idiom nämlich perfekt, obwohl sie ihre Jugend in St. Petersburg verbracht hat; vor allem aber besticht Elena Zhidkova durch blitzenden Ausdruck im Vokalen wie im Darstellerischen. Aufhorchen lassen Fasolt und Fafner; Alfred Reiter und Steven Humes sind nur diskret ausgestopft und klingen ausnehmend weich. Hell die Erda von Maria Radner – während der Loge des Amerikaners Corby Welch die Überraschung selbst ist. Kein scharf zeichnendes Timbre ist da zu hören, vielmehr ein empfindsam lyrisches, rundes, was die Figur nicht als Ausbund der Verschlagenheit, vielmehr als intellektuell auf der Höhe stehenden Menschen erscheinen lässt. Schlechterdings perfekt die Diktion, sensationell die Körpersprache. Der Darsteller bleibt auch die Ruhe selbst, als der kleine Feuerzauber, den er am Ende entfacht, auf seine Haarpracht übergreift und dort von einem eilends dazugetretenen Assistenten mit einer Sprühflasche gelöscht werden muss.
Peter Hagmann | 12.3.2013