Das Rheingold

Georg Fritzsch
Orchestre de la Suisse Romande
Date/Location
12 February 2019
Grand Théâtre Genève
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Wotan Tómas Tómasson
Donner Stephan Genz
Froh Christoph Strehl
Loge Stephan Rügamer
Fasolt Alexey Tikhomirov
Fafner Taras Shtonda
Alberich Tom Fox
Mime Dan Karlström
Fricka Ruxandra Donose
Freia Agneta Eichenholz
Erda Wiebke Lehmkuhl
Woglinde Polina Pasztircsák
Wellgunde Carine Séchaye
Floßhilde Ahlima Mhamdi
Gallery
Reviews
forumopera.com

Mouvement perpétuel

Pour l’inauguration du Grand Théâtre de Genève rénové après trois ans de fermeture, la reprise du Ring complet donné en 2013-2014 marque aussi la dernière saison de Tobias Richter à la tête de cette institution. Autant dire que cette Tétralogie, proposée cette année trois fois sous forme de cycle complet, a valeur de symbole. La première soirée en est un Prologue puissant qui ne connaît ni temps mort, conforme en cela aux intentions d’écriture musicale continue du compositeur, ni chute de tension. La direction musicale de Georg Fritzsch maintient du début à la fin l’attention soutenue de l’auditoire : la qualité des timbres, les couleurs de l’orchestre, mais aussi les nuances, les respirations tout autant que la force des contrastes et même certaines rugosités expriment cette naissance d’un monde et cette histoire de la violence. Happé d’emblée par le mi bémol initial du prélude, le public est rivé à son siège jusqu’à la montée au Walhalla.

Le travail de Dieter Dorn à la mise en scène, qui avait suscité l’intérêt et l’admiration de la critique à l’époque, se caractérise par une grande lisibilité, qui n’exclut pas la subtilité ni la finesse de l’interprétation. Le liseré lumineux rouge qui encadre la scène noire crée la distance voulue tout en nouant avec le spectateur un pacte de lecture autorisant le mélange des genres. Ainsi des projections en noir et blanc de photographies de guerres et de catastrophes (vidéo de Jana Schatz), annonciatrices des malheurs à venir, qui précèdent les premières mesures, de la chute dans les profondeurs du plateau d’un bloc d’or venu des cintres, des nornes poussant une immense pelote faite des cordes des vies humaines, tandis que les dieux, d’abord masqués à la façon de la tragédie grecque, représentent par leurs tenues vestimentaires diverses traditions historiques ou mythologiques (avec un Donner en samouraï et un Froh en dieu gréco-romain). Les costumes de Jürgen Rose s’insèrent dans ses décors qui font se succéder des blocs de béton au fond du Rhin, les couleurs vives des filles du Rhin, la magie des profondeurs obscures du Nibelheim peuplées par ailleurs de travailleurs réduits en esclavage, la fantastique – et comique – métamorphose d’Alberich en dragon ou l’ascension finale des dieux dans un carton devenu montgolfière vers les hauteurs, censées être celles du Walhalla, drapées d’une tenture aux couleurs de l’arc-en-ciel. La dramaturgie de Hans-Joachim Ruckhäberle agence les déplacements pour créer une narration très vivante, un récit mobile, parfois effrayant, parfois amusant, avec des personnages sans cesse en mouvement, même lorsqu’ils font face au public, alignés sur le devant de la scène.

La vaillance vocale est au rendez-vous, augmentée d’une musicalité que ne vient jamais perturber la quête du volume sonore. Dans une parfaite osmose avec l’orchestre, les chanteurs se font entendre avec une apparente facilité qui force l’admiration. Tómas Tómasson est un Wotan tour à tour veule et impérieux, vocalement très convaincant, face auquel l’Alberich de Tom Fox (qui incarnait Wotan en 2013) apparaît véritablement comme l’albe noir faisant contrepoint à l’albe blanc (gémellité souligné par les statures des deux chanteurs et par les costumes dont chacun porte la nuance qui le symbolise) et capable de l’égaler par ses qualités et son endurance vocales. Solidité et parfaite diction au service du chant aussi pour Stephan Gentz, Donner un peu empêtré scéniquement par son marteau, et pour le Froh parfois un peu moins compréhensible, mais toujours mélodieux, de Christoph Strehl (qui tenait déjà le rôle en 2013). On accordera une mention spéciale à Stephan Rügamer, remarquable Loge, facétieux et bondissant, virevoltant sur scène et d’une virtuosité vocale époustouflante. Mime bénéficie de la belle voix de ténor de Dan Karlström, presque trop belle dans le rôle de ce personnage pitoyable, pour lequel il ne ménage d’ailleurs pas sa peine en tant qu’acteur. Alexey Tikhomirov projette une voix claire et distincte en Fasolt, qu’accompagne Taras Shtonda, un peu engorgé au début mais capable d’affirmer ensuite avec force la personnalité ombrageuse du géant Fafner.

La distribution féminine, dominée par le timbre clair de Ruxandra Donose, lumineuse et inflexible Fricka, voit Agneta Eichenholz reprendre, avec talent, le rôle de Freia chanté déjà il y a cinq ans, auquel elle donne fraîcheur et sensibilité. Si Wiebke Lehmkuhl sait prêter à Erda la justesse de ton et la dimension énigmatique attendues, la voix manque peut-être d’un peu d’épaisseur et de sonorité ce soir pour incarner pleinement la prophétesse doublée d’une aïeule.

Polina Pastirchak chante à nouveau le rôle de Woglinde qu’elle interprétait en 2013, avec clarté et séduction, secondée par la Flosshilde parfois moins compréhensible, mais à la voix bien timbrée, d’Ahlima Mhamdi et par Carine Séchaye en accorte et bien-chantante Wellgunde.

Voilà un Prologue qui laisse attendre avec impatience la suite de ce Ring, mais qui constitue aussi un tout réussi, à saluer en soi, dans la cohérence de sa narration scénique, attachée à rendre limpide une histoire complexe et sombre, et dans l’équilibre accompli entre chant et musique.

Fabrice Malkani | 14 Février 2019

olyrix.com

L’Or du Rhin dans les ors ressuscités du Grand Théâtre de Genève

Pour fêter sa réouverture en ce 12 février 2019, le Grand Théâtre de Genève reprend sous la forme de trois cycles successifs programmés au cours des mois de février et mars 2019, la production du Ring de Richard Wagner créée sur cette même scène entre 2013 et 2014 par Dieter Dorn.

Cette production de L’Or du Rhin se distingue déjà par sa lisibilité et son respect du texte. Dieter Dorn, avec son collaborateur de toujours Jürgen Rose pour les décors et costumes, ne cherche pas à imposer une relecture aléatoire du prologue du Ring ni une variation trop intimement personnelle sur le sujet. Il choisit de valoriser les clés de lecture imposées par Richard Wagner. Après un bombardement de vidéos de guerre et de malheurs mais qui s’estompent vite, les Nornes apparaissent déroulant une pelote toute dorée tandis que les futiles Filles du Rhin surgissent au milieu d’un imposant empilement de boîtes en carton et de créatures aquatiques inquiétantes.

Les dieux végètent au désert auprès d’une tente de fortune dans l’attente de la livraison du Walhalla, avant de pouvoir enfin gagner leur nouvelle résidence en ballon. La scène se soulève à mi-hauteur pour faire apparaître l’antre d’Alberich et de son peuple devenu esclave de l’Anneau, un monde terrifiant pliant sous la tâche. Les transformation successives d’Albérich en serpent monstrueux, puis en crapaud, sont particulièrement marquantes. La trajectoire se veut donc simple, mais pas simpliste.

La mise en scène donne libre cours au talent des interprètes, en premier lieu le baryton-basse Tomas Tomasson, Wotan complexe et habité. Sans excès de nuances, sa voix emplit totalement le rôle, longue et au timbre doté de couleurs profondes. Sa haute silhouette, qui avec le maquillage n’est pas sans évoquer le personnage de Nosferatu, attire irrémédiablement l’attention. La mezzo Ruxandra Donose lui oppose une Fricka racée, fort éprise de son époux et encore soumise. Le baryton Tom Fox, anciennement Wotan dans cette même production, impose un Alberich de superbe allure et intensité dramatique, même si le registre aigu semble désormais à la peine.

Deux belles voix de ténors illuminent la représentation. Stephan Rügamer incarne un Loge virevoltant d’aisance scénique, cynique à souhait et prêt à toutes les trahisons. Sa solide voix claire fait preuve d’une réelle virtuosité et donne tout son caractère ambivalent au personnage. Le Mime du ténor finlandais Dan Karlström, est presque un luxe tant le matériau vocal prône le beau et l’intelligence.

Agneta Eichenholz retrouve avec legato et la fraîcheur requise le rôle de la déesse Freia présentée en 2013. Stefan Genz -Donner- et Christoph Strehl -Froh-, complètent avec talent et surtout solidité la cour des dieux. La voix tonnante et bouillonnante de la basse russe Alexey Tikhomirov apporte un relief spécifique au géant Fasolt, qui dans la mise en scène de Dieter Dorn, semble désespérément épris de Freia. Plus caverneux, plus redoutable, le Fafner de Taras Shtonda, basse d’origine ukrainienne, augure déjà de son incarnation du dragon dans Siegfried.

Après un début difficile, sinon décalé par rapport à l’orchestre, les Filles du Rhin se rétablissent mais les voix des trois cantatrices ne s’harmonisent pas idéalement : Polina Pastirchak (Woglinde), Carine Séchaye (Wellgunde), Ahlima Mhamdi (Flosshilde). De même, le contralto de Wiebke Lehmkuhl manque d’épaisseur et de réelle gravité pour Erda, la déesse de la terre.

La direction musicale de Georg Fritzsch, placé à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, laisse un rien perplexe par son parti-pris presque exclusif de lenteur. Le long et essentiel prélude de L’Or du Rhin peine à émerger des ténèbres, puis le temps s’étire sans réelles envolées, sans forcer la générosité jusqu’à la montée au Walhalla qui tout à coup se pare de justes couleurs. Il faut donc attendre la suite de ce Ring important pour appréhender plus avant les intentions du chef d’orchestre, mais aussi du metteur en scène.

Le public absolument ravi de retrouver son théâtre enfin resplendissant (notre article) accueille avec enthousiasme cette représentation d’ouverture, en attendant les trois prochains épisodes (à retrouver sur nos pages).

José Pons | 14/02/2019

Rating
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User Rating
(2/5)
Media Type/Label
Technical Specifications
256 kbit/s CBR, 48,0 kHz, 278 MByte (MP3)
Remarks
Broadcast (Espace 2)
A production by Dieter Dorn (2013)