Das Rheingold

Philippe Jordan
Orchestre de l’Opéra National de Paris
Date/Location
23/26 November 2020
Opéra Bastille Paris
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Wotan Iain Paterson
Donner Lauri Vasar
Froh Matthew Newlin
Loge Norbert Ernst
Fasolt Wilhelm Schwinghammer
Fafner Dimitry Ivashchenko
Alberich Jochen Schmeckenbecher
Mime Gerhard Siegel
Fricka Ekaterina Gubanova
Freia Anna Gabler
Erda Wiebke Lehmkuhl
Woglinde Tamara Banješević
Wellgunde Christina Bock
Floßhilde Claudia Huckle
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forumopera.com

En voyant les Filles du Rhin entamer leurs vocalises en jeans et t-shirts d’étudiantes berlinoises, bientôt rejointes nonchalamment par un Alberich en sweat, on est impressionnés : non content d’avoir réussi à jouer ce Ring pour les micros de France Musique, l’Opéra de Paris aurait-il accompli l’impossible en décidant de maintenir du même coup la mise en scène de Calixto Bieito ? L’absence de carcasses de voiture, de figurants dénudés et de structures métalliques tournantes met vite un terme à nos doutes, c’est bien à une version de concert que nous assistons ; une version de concert qui ressemble fort à une session de studio, donnée devant une forêt de micros et une salle vide à une trentaine de sièges près, occupés par une poignée de journalistes, de mécènes et d’invités ; une version de concert quand même, et de très belle tenue. Philippe Jordan n’a pas toujours convaincu ceux qui aiment leur Wagner sanguin, tendu, dramatique. Dans ce cycle qui restera son dernier projet lyrique en tant que directeur musical de l’Orchestre de l’Opéra, le chef impressionne tout à la fois par sa maîtrise et son enthousiasme, cherchant et trouvant les ressorts qui font de cet Or du Rhin une pierre à part du grand œuvre wagnérien. De cette succession de scènes où, une fois n’est pas coutume, le compositeur accorde moins d’importance au développement des monologues qu’au rythme de l’action, le chef fait une sorte de « folle journée du Walhalla », tenue d’un bout à l’autre sans aucune baisse de régime. Ses musiciens lui répondent comme un seul homme, et un tel engagement porte ses fruits : les sonorités sont superbes, les changements de rythme s’enchaînent naturellement, bref, l’orchestre démontre qu’il peut, dans ce répertoire, se mesurer aux meilleurs. La distribution est à l’avenant, qui réunit, elle aussi, quelques-uns des plus solides wagnériens du moment. La réputation d’Ekaterina Gubanova, par exemple, n’est plus à faire : sa Fricka, jeune et presque claire de timbre mais prodigue en volume, sait se montrer vipérine sans verser dans la mégère. De même, Jochen Schmeckenbecher, qui a déjà fait entendre son Alberich à Hambourg, à Berlin, à Vienne, tient comme peu un personnage rageur et inquiétant, auquel il apporte une voix noire et une diction percutante. Le Mime sonore de Gerhard Siegel, les deux géants de Wilhelm Schwinghammer et Dimitry Ivashchenko, les Filles du Rhin montrent tous un formidable investissement qui donne, malgré toutes les contraintes imposées à ces représentations, vie et chair à leurs personnages. Il n’en va pas tout à fait de même pour le Wotan de Iain Paterson : on perçoit le soin apporté aux mots et le souci des nuances, on apprécie le timbre, qui a de la jeunesse, de l’allure et de la séduction. Mais cet art, auquel les micros rendront sans doute pleinement justice, peine à se faire entendre dans la grande salle vide de l’Opéra Bastille – plus encore avec un orchestre particulièrement rutilant, et placé sur scène. Les confrontations avec des caractérisations aussi éloquentes que le Loge de Norbert Ernst ou l’Erda de Wiebke Lehmkuhl y perdent en impact immédiat ce qu’elles y gagneront sans doute en clairs-obscurs dans la retransmission sur France Musique, dont vous aurez de toute façon compris qu’elle méritera d’être entendue !

Clément Taillia | 21 Décembre 2020

olyrix.com

L’Or du Rhin fait scintiller une Bastille dépeuplée

L’Opéra de Paris poursuit son cycle du Ring de Wagner par un pas un arrière : après La Walkyrie, c’est au tour de l’Or du Rhin de faire l’objet d’une captation, devant une salle vide, donc, pour une retransmission ultérieure..

Après avoir côtoyé les sommets du Walhalla avec La Walkyrie, la Tétralogie de l’Opéra de Paris doit redescendre sur terre, et même sous terre, dans les forges du Niebelheim pour l’Or du Rhin, le cycle wagnérien étant capté dans le désordre. La musique, elle, ne connait pas cette chute, même si les moments de grâce de La Walkyrie (notamment le premier acte ou le duo entre Brünnhilde et Siegmund) ne sont pas atteints cette fois. La faute à une œuvre qui s’y prête moins, mais aussi à un plateau vocal moins étincelant, bien que très homogène.

Philippe Jordan, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, garde un geste calme et précis, travaillant sur la cohérence du son et l’équilibre des pupitres. La puissante entrée des géants est saisissante, tout comme l’arrivée des Nibelungen apportant leur trésor : le tutti orchestral est alors vertigineux, les cordes allant jusqu’à se lever d’un bond de leur chaise pour faire retomber plus lourdement leur archet sur les cordes. Durant l’introduction, les contrebasses et les cuivres jouent avec une douceur lancinante. Les violoncelles et les bois les rejoignent, telle une marée montante jusqu’à l’entrée des violons qui immergent la salle sous les eaux du Rhin.

Sous ces eaux paraît Jochen Schmeckenbecher en Alberich : ce dernier se distingue par un baryton relativement clair et une interprétation habitée à la prosodie vive, précise et variée. Il renie l’amour dans un flot de fiel et pousse un cri de détresse glaçant lorsque son précieux bijou lui est subtilisé. Le Niebelung est sans surprise charmé par un séduisant trio d’ondines, homogène et nuancé.

Tamara Banješević est une Woglinde à la voix voluptueuse et aux aigus intensément vibrés, projetés avec brillance. Maria Kataeva en Wellgunde dispose d’un mezzo étincelant et chaleureux et d’aigus mordorés, le tout servi par un phrasé raffiné. Enfin, Claudia Huckle en Flosshilde offre un timbre fiévreux aux belles résonances, notamment dans de larges et sombres graves.

Iain Paterson retrouve le rôle de Wotan qu’il tenait déjà dans La Walkyrie. Comme s’il devait se chauffer, sa projection gagne en puissance au fil de la soirée, trouvant avec de plus en plus de naturel l’autorité du maître des dieux. C’est aussi son incarnation qui s’affirme au fil de l’ouvrage. Sa voix reste toutefois placée assez haut, gardant de fait une certaine opacité. Incarnant toujours sa femme Fricka, Ekaterina Gubanova fait preuve d’intensité, à la fois vocalement, corporellement et dans sa prosodie véhémente, sans jamais perdre en musicalité. Son timbre satiné dans le registre médian gagne en amertume dans le grave pour mieux faire ressentir l’angoisse du personnage.

Norbert Ernst, en Loge, fait feu de tout bois : un timbre assez sombre gardant la noblesse d’un demi-dieu, un phrasé malicieux et théâtral mais aussi un investissement constant et une grande capacité à adapter les inflexions de son chant aux accents orchestraux.

Sans être similaire, le Mime de Gerhard Siegel partage avec Loge un timbre moelleux. Son phrasé se fait vindicatif, acéré, puis plaintif ou vrombissant. Si ses graves sont grinçants, son medium reste corsé.

Le Fasolt de Wilhelm Schwinghammer dispose d’une voix bien assise mais un rien claire pour le rôle. Le phrasé autoritaire se module avec musicalité sans que les différentes couleurs de son timbre ne quittent le pastel. Son frère, Fafner, est interprété par Dimitry Ivashchenko dont la voix profonde n’a pas l’ampleur d’un géant ni la noirceur menaçante d’un meurtrier, mais bien les résonances caverneuses, forgeant des piani majuscule.

Le dieu Donner reçoit de Lauri Vasar un baryton percutant et bien projeté, à la fois corsé et brillant. Froh emprunte le ténor clair aux sonorités wagnériennes de Matthew Newlin, dont la voix est projetée avec vaillance.

Anna Gabler incarne Freia d’un timbre tranchant au rond vibrato et un phrasé aiguisé. Sa projection la rend audible sans pleinement remplir le vaisseau de Bastille. Wiebke Lehmkuhl (Erda) a une voix riche et chaude, large, aux aigus doux mais puissants. Son phrasé lascif repose sur un vibrato relâché.

L’Or du Rhin propose une action constante et relativement peu de moments suspendus comme en recèle l’œuvre wagnérien : opéra à voir, il ne peut qu’aviver l’impatience de découvrir cette Tétralogie en version scénique. Cela devrait intervenir durant la saison 2023/2024.

Damien Dutilleul | 27/11/2020

Rating
(5/10)
User Rating
(3/5)
Media Type/Label
Technical Specifications
616 kbit/s VBR, 44.1 kHz, 606 MByte (flac)
Remarks
Broadcast (France Musique, transmission date: 26 December 2020)
A live compilation from the dress rehearsal (23 November) and the concert performance (26 November 2020)
This recording is part of a complete Ring cycle.