Der Ring des Nibelungen

Hartmut Haenchen
Koor van De Nederlandse Opera
Nederlands Philharmonisch Orkest
Date/Location
September 2005 (R), September 2005 (W)
Aug/Sep 2004, Sep 2005 (S), Feb/Sep 2005 (G)
Het Muziektheater Amsterdam
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
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En attendant Parsifal

Aujourd’hui, enregistrer un Ring est souvent considéré comme une action risquée : à quoi bon ? Les wagnériens dignes de ce nom n’existent plus ! Que l’enregistrement en question ait lieu sans grandes vedettes de l’art lyrique, et l’opération tourne au suicide ! Pourtant, Etcetera, en collaboration avec l’Opéra des Pays-Bas, vient de prouver que des chanteurs intelligents sous la conduite d’un chef expérimenté peuvent encore nous offrir un Ring fort consommable, qui plus est dans une très élégante présentation, faisant la part belle aux photos du spectacle de Pierre Audi (disponible avec le même chef et une équipe sensiblement différente en DVD chez Opus Arte). On est rassuré : bien interpréter Wagner n’était pas réservé qu’aux élus du « Neues Bayreuth » !

Bien sûr, tout n’est pas parfait dans cette nouvelle Tétralogie, la première que nous offre le support hybride SACD. Il faut faire avec deux géants bien peu effrayants, Fasolt et son timbre sec, Fafner et sa voix pâteuse, et avec un Gunther von Kannen éraillé, à bout de souffle, qui nous fait regretter à chaque instant que Werner van Mechelen ne chante Alberich que dans Rheingold. Il faut supporter, surtout, John Keyes, dépassé par l’ampleur du rôle de Siegmund : le timbre est nasal, le vibrato, kilométrique, et la captation sur le vif souligne cruellement le manque d’endurance du ténor, de plus en plus faux et essoufflé à mesure que la soirée progresse. Il faut se résoudre, enfin, à entendre une Brünnhilde – Linda Watson – vaillante, certes, émouvante, assurément, mais ô combien prosaïque ! La voix, volontiers stridente et vibrante, avec des notes prises par en-dessous, fait entendre une passade lorsqu’il est question d’un grand amour, une crise de nerf quand il s’agit d’une altière rage… c’est bien peu, pour la fille d’Erda et de Wotan !

D’autant que ce dernier laisse augurer une lignée d’une grande noblesse, quand il est chanté par Albert Dohmen ! La grandeur de l’instrument, la noirceur du timbre, dessinent un Wotan parfaitement compris dans toute sa complexité : le calme hautain et diplomatique, savante maîtrise du politicien, succédant aux emportements et aux maladresses, marques de la faiblesse… font de ce Wotan le plus humain des Dieux. Par conséquent, il prend pour nous, humbles mortels, un relief et une densité rarement entendus. Le Siegfried de Stig Andersen nous apporte également son lot de satisfactions : même lorsque le rôle, meurtrier, demande de la morgue et du volume, la ligne de chant reste soignée, propice aux tendres épanchements romantiques et amoureux du héros. Au même niveau de « bel canto » et de lyrisme se situe Charlotte Margiono, flamboyante en une Sieglinde qui, elle non plus, n’a pas oublié Mozart. A quelques graves près, une superbe incarnation !

Autour d’eux, ce sont encore de saisissants portraits qui se succèdent. Il y a la Fricka de Doris Soffel, lançant avec véhémence de sinueuses raucités lorsqu’elle veut humilier et dominer son époux, puis retrouvant une ligne de chant toute en rondeur et en legato quand elle souhaite le séduire. Il y a, deux fois, Kurt Rydl : excellent Hunding, mais Hagen génial, qui tient tout le Crépuscule des Dieux entre ses mains. Il y a le Loge de Chris Merritt, époustouflant acteur-chanteur parfaitement à sa place désormais dans les « rôles de caractères ». Il y a le Mime sarcastique de Graham Vick, la luxueuse Freia de Michaela Kaune, la grande Erda d’Anne Gjevang…

Et il y a l’Orchestre des Pays-Bas (Netherlands Philharmonic Orchestra), qui mêle à une superbe pâte sonore la souplesse que lui apporte Hartmut Haenchen. Bientôt de retour dans la fosse de l’Opéra Bastille pour un nouveau Parsifal, le chef allemand prouve une fois de plus qu’il maîtrise comme peu savent le faire tous les arrière-plans de la partition, rendant à chaque pupitre sa juste place en un tout d’une cohésion incroyable, vu la densité et la complexité de l’ouvrage. Mais cette lecture « analytique », privilégiant la clarté du son et la limpidité des rythmes aux épanchements arbitraires, n’en recèle pas moins une large part de poésie : du badinage des bois lors de la course entre Alberich et les Filles du Rhin au début de Rheingold à un magistral Voyage de Siegfried sur ce même Rhin, le chef et l’orchestre nous racontent quelque chose, prennent part au drame, mais avec intelligence et justesse, sans l’encombrer. De merveilleux moments suspendus (l’exposition du thème de la Mort lors de la première rencontre entre Brünnhilde et Siegmund au II de la Walkyrie !) savent faire place à des instants de pure théâtralité (ces timbales au final du I de cette même Walkyrie)… Un rapport si décomplexé entre Wagner et un chef, où les traditions ne servent jamais à écraser ou inhiber, est suffisamment rare pour être signalé, et salué !

On l’a compris : si l’équipe ne démérite pas, si plusieurs chanteurs proposent même de saisissantes interprétations, c’est du côté de la fosse que se situe la clé de voûte de cette version, qui a d’ores et déjà une bonne place dans le catalogue, en dépit des légendes indétrônables !

Clément Taillia

Rating
(6/10)
User Rating
(2.5/5)
Media Type/Label
Etcetera
Technical Specifications
612 kbit/s VBR, 44.1 kHz, 3.5 GByte (flac)
Remarks
A production by Pierre Audi