Die Walküre

Valery Gergiev
Mariinsky Theatre Symphony Orchestra
Date/Location
25 March 2018
Philarmonie Paris
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Siegmund Mikhail Vekua
Hunding Mikhail Petrenko
Wotan Evgeny Nikitin
Sieglinde Elena Stikhina
Brünnhilde Tatiana Pavlovskaya
Fricka Ekaterina Sergeeva
Helmwige Oxana Shylova
Gerhilde Zhanna Dombrovskaya
Ortlinde Irina Vasilieva
Waltraute Natalia Yevstafieva
Siegrune Varvara Solovyova
Grimgerde Anna Kiknadze
Schwertleite Yekaterina Krapivina
Roßweiße Evelina Agabalaeva
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Reviews
bachtrack.com

Splendeurs et misères de La Walkyrie

Moins de 24 heures après les derniers accords de L’Or du Rhin, nous voilà de retour à la Villette, dimanche après-midi, pour La Walkyrie, deuxième épisode de la série préférée des wagnériens. Dans les couloirs de la Philharmonie de Paris, les conversations portent sur l’opéra-concert de la veille, et les comparaisons commencent avant même l’ouverture des portes : « Tu as vu, celui qui faisait Loge hier fera Siegmund aujourd’hui ! » À Wagnerland, les fans ont pris le forfait week-end. Une fois dans la salle, ils accueilleront les entrées de leitmotive avec des soupirs de contentement, frissonneront au son des trémolos : même loin de Bayreuth, même en « version concert », même au XXIe siècle, le Ring est un rituel que ses adeptes vivent avec une ferveur religieuse.

La célébration commence. Valery Gergiev lance brusquement son Orchestre du Mariinsky dans La Walkyrie, comme si L’Or du Rhin venait de s’achever. Cet enchaînement des deux opéras met en lumière le projet démesuré de Wagner : l’exigeant prologue nous a réellement ouvert les portes du Ring, la partition complexe du compositeur sonne comme une évidence, son langage si particulier semble étonnamment familier. La phalange russe semble également plus à son aise dans la grande salle. Si les cordes manquent de mordant, elles constituent une pâte soyeuse dans laquelle les motifs se mêlent sans se confondre. La trompette resplendit dans ses solos, les timbales admirables ont cette science du phrasé qu’on leur reconnaît trop rarement, les chorals de cuivres impressionnent sans lourdeur, rayonnent sans clinquer. L’orchestre est à l’image de son chef : économie de gestes, tenue magnifique.

Le premier acte comble nos attentes après les promesses de la veille. Mikhail Vekua est même encore plus convaincant en Siegmund qu’en Loge ! Subtilement phrasée, son ode au printemps donne la chair de poule et son héroïsme est admirable : ses terribles « Wälse ! » font trembler les murs. À ses côtés, Elena Stikhina fait une adorable Sieglinde, au timbre intense et aérien, avec une pureté d’intonation à toute épreuve. Si son allemand n’était pas si perfectible, elle provoquerait l’hystérie des wagnérophiles ! Le duo est d’ailleurs salué par une ovation du public parisien à la fin de l’acte.

L’opéra-concert vient d’atteindre son climax et n’évoluera plus à ce niveau d’excellence. Après le premier entracte, des grains de sable s’incrustent en effet dans la belle machine du Mariinsky. Arpèges de violons dilués dans les cuivres, ponctuations imprécises sous les récits vocaux… Sous la direction saccadée de Gergiev, l’orchestre subit une baisse de régime compréhensible dans ce week-end éprouvant, perdant au passage une corde de harpe, que la musicienne change discrètement en direct. Sur le « plateau », derrière les bois, les chanteurs sont moins éblouissants : Wotan du jour, Evgeny Nikitin manque de profondeur et souffre de l’inévitable comparaison avec son homologue de la veille. Il peine surtout à soutenir vocalement la puissance des femmes qui l’entourent, ce qui l’affaiblit singulièrement dans la scène de ménage que lui réserve Fricka. Dans ce rôle, Ekaterina Sergeeva fait preuve d’une énergie bienvenue, mais la dureté de ses attaques et l’imprécision de ses aigus perçants écornent le charisme de la déesse. Quant à la puissante Tatiana Pavlovskaya, elle campe une Brünnhilde solide, au vibrato large, mais sa voix s’engorge dans les nombreuses notes graves qui font la difficulté du rôle.

Dernier acte : la célèbre chevauchée, impressionnante de cohésion, laisse croire à un sursaut de l’ensemble jusqu’aux sommets expressifs de la fin de l’œuvre. Exempté des contraintes d’une mise en scène, le chœur des Walkyries fait front, à pleins poumons. Le public goûte à l’orgie sonore tant attendue. Mais alors qu’on atteint les pages les plus bouleversantes du Ring (les adieux de Wotan à sa fille), un drame imprévu se produit : voilà que le dieu perd sa voix. On croit la défaillance passagère ; Nikitin porte la main droite à son oreille, contrôle difficilement une intonation jusqu’à présent irréprochable… mais son timbre n’est plus que l’ombre de lui-même. Le chanteur poursuit courageusement, accompagné silencieusement par Pavlovskaya qui, plein de sollicitude, tend à son partenaire une bouteille d’eau. L’instant est terrible, pour le chanteur comme pour l’orchestre, qui ne joue plus que sur un fil tandis que Gergiev reste impassible. Étonnamment, on en vient à considérer ce drame inattendu comme plus touchant encore que la fin écrite par Wagner : crépuscule du dieu avant la lettre, ce monologue de Wotan est parcouru d’une tension qu’on ne reverra probablement jamais sur un Ring. En considérant uniquement la réalisation musicale, il faut cependant reconnaître que cette défaillance provoque une frustration immense. Les wagnériens les moins compatissants exprimeront leur rancune au moment des saluts, huant le dieu déchu. Pour un Ring privé de mise en scène, il fallait bien des spectateurs dénués de sensibilité dramatique.

Tristan Labouret | 27 March 2018

olyrix.com

La Walkyrie par Gergiev et le Mariinsky à la Philharmonie de Paris

Un Wotan à la limite de l’aphonie vient malheureusement déséquilibrer la représentation dominée par la lumineuse Sieglinde d’Elena Stikhina.

Après L’Or du Rhin, qui constitue le prologue de la Tétralogie de Richard Wagner, les forces du Théâtre Mariinsky, sous la baguette de leur chef Valery Gergiev, proposent La Walkyrie, ouvrage le plus accessible du cycle. Comme pour L’Or du Rhin, l’auditeur reste marqué par la certaine lenteur de la direction de Valery Gergiev qui joue beaucoup sur le legato et sur une certaine forme de retenue. Il met parfaitement en relief tous les superbes pupitres de son orchestre, notamment les cordes et les cuivres ici fort sollicités ou les harpes somptueuses. Toutefois, la fameuse Chevauchée des Walkyries apparaît un peu contrainte, loin de certains débordements peut-être excessifs d’autres chefs. On ne peut qu’admirer la beauté des sonorités, le soin constamment apporté à la ligne, la maîtrise évidente de l’ensemble. Surtout, l’affrontement au troisième acte entre Wotan et sa fille Brünnhilde manque de passion et d’engagement, en dehors même de la problématique de la méforme de l’interprète masculin.

Après un acte II très convaincant, où le baryton-basse Yevgeny Nikitin se montre très habité par son personnage, la voix ne cesse ensuite de s’amenuiser, de perdre en vaillance et en fiabilité, pour livrer une scène des adieux fort difficile à entendre du fait des difficultés rencontrées par le chanteur ! Problème de technique, de fatigue ? Il sera possible de le retrouver prochainement dans le rôle de Klingsor dans la nouvelle production de Parsifal présentée à l’Opéra Bastille à partir du 27 avril prochain : il reste à souhaiter qu’il ait recouvré alors tous ses moyens ! À ses côtés, la Brünnhilde de Tatiana Pavlovskaya, solide, au format demandé, avec une belle plénitude dans le medium et à l’aigu vaillant, à défaut d’être bouleversante, vient le soutenir tant qu’elle le peut en très fine musicienne. Loge dans L’Or du Rhin, Mikhail Vekua aborde Siegmund avec les moyens qui sont les siens, un ténor de caractère certes, mais non le ténor dramatique requis. L’artiste est fort attachant, le chanteur habile, avisé et il se donne avec passion dans ce rôle qu’il assume sur la totalité. Le timbre très clair et le volume un peu serré l’obligent quelquefois à forcer ses moyens dans les moments plus héroïques. Pour autant, il vient juste d’aborder le rôle de Tristan et incarnera les deux Siegfried avec le Mariinsky à Paris. À suivre donc !

La jeune soprano Elena Stikhina, couronnée en 2016 au concours Operalia, voix magnifiquement conduite, à l’aigu superbe et au timbre d’une belle pureté, compose une Sieglinde tout de féminité et particulièrement bouleversante. Perle de la soirée, le public l’a dûment récompensée par des applaudissements enthousiastes. Elle fera d’ailleurs bientôt ses débuts à l’Opéra Bastille dans le rôle de Leonora face à Roberto Alagna dans Le Trouvère (réservations ici). Dans le rôle de la redoutable Fricka, la mezzo-soprano Ekaterina Sergeeva cède un peu le pas, la voix se heurtant aux terribles aigus qui caractérisent les emportements du personnage. Superbe de dignité et d’assise vocale, Mikhail Petrenko incarne un Hunding impressionnant. Habituées chacune de leur rôle respectif, les huit Walkyries présentes — Natalia Yevstafieva (Waltraute), Zhanna Dombrovskaya (Gerhilde), Anna Kiknadze (Grimgerde), Varvara Solovyova (Siegrune), Irina Vasilieva (Ortlinde), Evelina Agabalaeva (Rossweisse), Oxana Shilova (Helmwige), Yekaterina Krapivina (Schwertleite) — composent un ensemble assuré, avec de belles envolées et font preuve d’un métier à toute épreuve.

Prochains rendez-vous pour conclure cette Tétralogie les 22 et 23 septembre prochains avec une bonne partie des chanteurs présents pour L’Or du Rhin et La Walkyrie, dont Roman Burdenko en Alberich et la splendide Elena Stikhina qui interprétera Gutrune du Crépuscule des Dieux.

José Pons | 31/03/2018

resmusica.com

Après un Or du Rhin éblouissant et irréprochable, donné la veille dans cette même salle, Valery Gergiev, à la tête de ses forces du Mariinsky, poursuit son marathon wagnérien avec cette Walkyrie de haute volée qui n’en laisse pas moins entrevoir quelques faiblesses, notamment dans le casting vocal du dernier acte.

Partition difficile où le spectaculaire (l’Orage et la Chevauchée) le dispute à l’intime (Duo d’amour et Adieux de Wotan) ce second volet du Ring wagnérien est sans doute l’opéra préféré du public expliquant que ce soir cette Walkyrie se joue à guichet fermé. Plusieurs explications à cet irrésistible attrait, un livret sans doute plus accessible en version de concert, un drame passionnel qui se joue au niveau humain, le lyrisme de la partition, la notoriété des leitmotivs et l’émergence de la figure de Brünnhilde, sœur d’Antigone, qui en choisissant le parti de l’humain, précipite les dieux vers leur perte.

L’Acte I tient toutes ses promesses. Après le vrombissement des cordes graves simulant un orage, plus vrai que nature, suspendus à l’attente savamment entretenue par un tempo ralenti, nous comprenons immédiatement qu’orchestre et maestro sont au mieux de leur forme pour accueillir le très attendu duo d’amour entre les jumeaux, Sigmund et Sieglinde. Il faut bien avouer que notre attente sera récompensée tant le Sigmund de Mikhail Vekua impressionne par son timbre radieux, sa puissance et son souffle qui nous vaut des « Wälse » d’anthologie, dignes de Lauritz Melchior. Face à lui la Sieglinde d’Elena Stikhina n’est pas en reste avec son timbre aérien, la souplesse de sa ligne de chant et son superbe legato, pas plus que le Hunding de Mikhail Petrenko, au chant noir et profond, indiscutable titulaire du rôle qui le fit connaitre. L’orchestre participe également du drame, par sa qualité solistique déjà mentionnée hier (petite harmonie et cuivres) son phrasé très narratif, par la profusion des nuances et la variabilité de tempi, par la netteté des plans sonores et des attaques, et le parfait équilibre avec les chanteurs.

L’Acte II laisse un peu retomber la tension avec la confession de Wotan qui rappelle l’importance de la mémoire dans la musique de Wagner et sa proximité avec les théories de Schopenhauer développées dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation. Le Wotan de ce soir (Yevgeny Nikitin) souffre de la comparaison avec celui de la veille, ne parvenant pas à convaincre totalement, par son chant trop monolithique. Cette lourdeur relative contraste avec la belle tenue vocale des femmes, Yekaterina Sergeeva qui campe une Fricka vaillante dont le personnage s’accorde parfaitement avec son timbre dur et son phrasé acéré, tandis que la Brünnhilde de Tatiana Pavlovskaya parait plus irrégulière dans son émission, entachée d’un léger vibrato. L’orchestre là encore supporte l’essentiel de la dramaturgie par la pertinence de la narration qui passe de l’urgence à la langueur de l’attente, préludant, dans un climat funèbre (cordes graves, percussions, cuivres et altos) au combat entre Sigmund et Hunding.

L’acte III déçoit quelque peu dès la célébrissime chevauchée qui parait bien grandiloquente, par trop héroïque, et notablement cuivrée, tandis que les Walkyries rivalisent de puissance, touchant aux limites de la saturation sonore. Les Adieux de Wotan, moment sublime tant espéré, portent l’émotion à son comble, non pas tant du fait de la séparation douloureuse du père et de la fille voulue par Wagner, qu’en raison de la brusque défaillance vocale d’Yevgeny Nikitin, arrivé le matin même de Baden-Baden où il chantait, la veille, le rôle de Klingsor dans Parsifal. Ceci expliquant sans doute cela… Moment pathétique, moment douloureux où le drame reste suspendu au chant de Nikitin qui, à défaut de puissance, se pare, alors, d’un merveilleux legato pour un moment inoubliable supporté par la douceur de la harpe et du piccolo, avant que ne se referme sur Brünnhilde le cercle de feu.

Une belle interprétation justifiant une ovation prolongée du public conquis, malgré quelques huées bien ingrates adressées à Yevgeny Nikitin, nous rappelant que contre la bêtise humaine, même les dieux ont renoncé…

Prochain rendez-vous avec le Ring en septembre prochain.

Patrice Imbaud | 30 mars 2018

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Media Type/Label
Technical Specifications
320 kbit/s CBR, 44.1 kHz, 523 MByte (MP3)
Remarks
In-house recording of a concert performance