Parsifal

Philippe Jordan
Chœurs d’adultes, Chœurs d’Enfants et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Date/Location
16 May 2018
Opéra Bastille Paris
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Amfortas Peter Mattei
Titurel Reinhard Hagen
Gurnemanz Günther Groissböck
Parsifal Andreas Schager
Klingsor Evgeny Nikitin
Kundry Anja Kampe
Gralsritter Gianluca Zampieri
Luke Stoker
Gallery
Reviews
bachtrack.com

Richard Jones régénère Parsifal à Bastille

Très attendue, après l’annulation de trois représentations à la suite d’un incident technique, la première de cette nouvelle mouture de Parsifal signée Richard Jones voit enfin le jour ce 13 mai, le temps d’une matinée peu commune. Forte d’une tenue et d’une distribution remarquables, portée par un souci conjugué du texte et du symbole, elle s’empare habilement de ses fulgurances et de ses ambiguïtés. Et propose une lecture du propos à la fois métaphysique et critique, fidèle et émancipée, loin du fantasme gênant de régénération et du lieu commun d’un Wagner racialiste.

Au diapason du propos du metteur en scène anglais, Philippe Jordan en donne les clefs dès l’ouverture, avec une maîtrise admirable, tirant la masse orchestrale vers une union des phrasés et une unicité des timbres, se jouant habilement d’un temps jamais suspendu. La lutte, terrassante, entre l’articulation consonante, déliée, des arpèges et accords, jamais alanguie, et l’inquiétude qui point sous le chromatisme, laisse deviner que c’est déjà un lyrisme sans malice qui se doit de l’emporter – et, avec lui, la trompette triomphante.

Ainsi, le premier et le second acte dialoguent comme les faces d’une même pièce faussement dialectique, celle d’une foi aveugle en une secte conjuguant dogme philosophique et dérèglement contrôlé des sens. La propagation de la parole divine se fait ainsi par des dictionnaires (« Wort ») distribués aux écuyers devenus membres d’une sorte d’école d’excellence, bustes monumentaux et salles de colloques à l’appui. Mais surtout par le sang de l’inquiétant Amfortas, à qui Peter Mattei prête la dureté de ses traits et de sa prononciation, et l’envoûtante profondeur de son timbre, quand la voix sombre et épaisse de Günther Groissböck remplit la salle de ses graves autoritaires. Etranger au milieu de cette foule aliénée, Andreas Schlager est un Parsifal aussi pataud et mal dégrossi que sa voix est robuste est décidée : elle vient déjà pallier le repli à l’œuvre.

On glisse avec le Klingsor plus chatoyant d’Evgeny Nitikin vers un croisement entre eugénisme et fascisme de consommation pasolinien : le magicien y est ici généticien, aux manœuvres d’une manipulation des esprits – Kundry en tête – et surtout d’une recréation de femmes-clones conformes à un fantasme pornographique. Les filles-fleurs, devenues épis de maïs transgéniques, agitent leurs fesses, seins et pubis siliconés dans une chorégraphie terrifiante – et assez bien menée – pour détourner le chevalier de sa quête. La tentation n’est pas grande pour Parsifal qui préfère aux implants la rondeur du timbre séducteur d’Anja Kampe, Kundry amorçant alors sa transition du rutilant mezzo à de tempétueux aigus. Leur confrontation évacue la pesanteur des décors pour mieux s’accrocher à la présence scénique des deux chanteurs, moins sensuelle que concertante.

Le troisième acte nous confirmera la décrépitude du lieu de culte et de ses membres, en proie à une violence qu’ils ne savent plus contenir. Seule l’union physique, refusée, puis spirituelle avec Kundry apporte la rédemption au clan, dans une envolée musicale se concrétisant dans une accalmie scénique. Les lieux se désemplissent pour mieux laisser l’orchestre se défaire de la spiritualité-onanisme dépeinte par cet étrange vendredi saint. Les lumières ne s’éteignent pas encore lorsque retentissent les chaleureux bravos, amplement mérités.

Suzanne Lay-Canessa | 14 mai 2018

classiquenews.com

PARSIFAL EST VENU POUR SAUVER LE MONDE … OU PAS. La légende du Graal qui inspire le livret s’est imposée à Wagner après avoir lu la romance médiévale Parzifal de Wolfram von Eschenbach. Le compositeur écrivit par la suite le synopsis de ce qui allait devenir son ultime opéra, ce dès 1857, soit 25 ans avant la première qui eut lieu grâce au soutien de son mécène, Louis II de Bavière. Il est nécessaire de citer ici un annexe au programme de la création à Bayreuth, de la plume du compositeur lui-même, nommé « Héroïsme et Chrétienté » (Heldentum und Christentum). Dans ce texte moins connu que son testament antisémite « La judéité dans la musique » (Das Judenthum in der Musik), Wagner explique que les aryens, leaders teutons de l’humanité tout entière, sont descendants des dieux, et que les autres races, inférieures forcément, descendent, elles, des primates. Il y exprime aussi son dégoût vis-à-vis de la dévotion des chrétiens pour un dieu juif, à travers son incarnation, ce Christ juif qu’il tient en horreur. Le compositeur s’est donné donc la peine de ré-imaginer le Christ selon son goût. Ainsi, le chevalier Parsifal devient, de fait, un Christ aryen.

Si la mise en scène de Richard Jones, avec décors géants et costumes d’Ultz, défend une transposition vers une modernité indistincte, dans une sorte de collège-secte aux Ier et IIIe actes, ou encore qui s’inscrit dans le milieu scientifique (cf le palais de Klingsor au IIe), elle demeure en vérité très conventionnelle. Voire vaine. Sans tension véritable, exceptions faites aux Ier acte, quelque-peu rocambolesque, et au IIe avec une pseudo-revue des Filles-Fleurs déjantées (aux seins géants) ; mais cette vision schématique et caricaturales, en rien poétique, est dépourvue de profondeur au IIIe. Les bijoux seraient donc à chercher ce soir dans la musique. Ou pas.

La distribution a le mérite d’être plutôt homogène voire engagée à servir tous les partis de la production. Ainsi, l’Amfortas de Peter Mattei dans toute sa gloire, tourmenté à souhait, élégant toujours, et avec une voix capable de force comme de souplesse. Excellente aussi, l’interprétation de Günther Groissböck en Gurnemanz ; au niveau scénique, il est même peut-être un poil trop beau au Ier acte, mais fait preuve d’une résilience vocale qui ne laisse pas indifférent. Comme d’habitude son chant a du caractère et sa diction est fantastique. Un peu moins fantastique celle d’Evgeny Nikitin en Klingsor. Le timbre sied au rôle merveilleusement, et la prestation a un je ne sais quoi d’étrange comme d’inquiétant… ma non troppo. La Kundry d’Anja Kampe est bouillonnante, bouleversante, tout simplement excellente malgré la minceur dramaturgique de la production. Il s’agît d’une performance sans défaut au niveau vocal, même si elle a pris un certain moment pour se chauffer au cours du Ier acte (qui il est vrai n’espt « son » acte). Que dire du Parsifal d’Andreas Schager ? S’il est cristallin dans les aigus, si d’une manière générale, son interprétation vocale est solide, remplissant l’immensité de l’Opéra Bastille (un exploit en soit déjà), il laisse, lui, osons le dire, plutôt indifférent. Les lieux communs qui lui sont attribués dans la mise en scène ne permettent pas non plus de voir ou apercevoir un quelconque relief. Dommage. Félicitons les nombreux petits rôles en pleine forme et le travail des chœurs de l’Opéra de Paris, sous la direction spiritosa de José Luis Basso.

L’Orchestre sous la baguette toujours raffinée de Philippe Jordan étale une sonorité uniforme et correcte. Sophistiquée voire sévère dans la forme, sa direction explore la partition avec sagesse. Le final éthéré reste un moment de grande beauté. S’il n’est pas obligatoire de jouer Wagner avec la force de la grandeur que le compositeur s’est auto-attribuée, le geste s’affirme juste, mais elle est souvent sans conviction. Peut-être le chef est-il secrètement du même avis que le philosophe Nietzsche quand il dit, tout en louant la force et la beauté d’une grande partie de l’opéra, qu’il était question ici d’une « œuvre malicieuse… mauvaise… outrageante pour la morale ». Tout en reconnaissant sa séduction formelle, la partition n’est elle pas en soi vénéneuse et dangereuse ? Encore à l’affiche à l’Opéra Bastille le 20 et 23 mai 2018. Comme celle antérieure à Paris signée Warlikowski, encore une nouvelle production wagnérienne qui ne laissera pas un souvenir impérissable.

Sabino Pena Arcia | 24.05.2018

resmusica.com

La rédemption d’un Parsifal tant attendu à l’Opéra Bastille

Le voici donc ce Parsifal tant attendu après l’annulation des quatre premières représentations suite à une panne technique. Le plaisir est-il à la hauteur de l’attente ? Oui et non. D’indéniables qualités président à ces représentations d’une très grande tenue. Pour autant, malgré l’homogénéité du plateau, la mise en scène plutôt inspirée de Richard Jones et les splendeurs de l’orchestre, quelques frustrations demeurent. Nous restera alors le bouleversement d’avoir entendu l’Amfortas de Peter Mattei.

À l’image de Claus Guth pour son Lohengrin admiré la saison précédente, Richard Jones porte un regard interrogateur sur le mythe wagnérien tout en respectant scrupuleusement le livret. La transposition imaginée ici est simple : la communauté du Graal devient une sorte de secte affairée à absorber des textes « sacrés » et à faire vivre des rituels qui peu à peu se vident de leur sens. Elle sera alors sauvée de la déliquescence par Parsifal qui résistera aux tentations d’un Klingsor transformé en généticien fou dans un monde sans valeurs ni repères. Cohérente jusqu’au bout, cette transposition ne révolutionne pas l’approche de l’œuvre mais en actualise la lecture. Dépouillée et monumentale, la scénographie utilise efficacement toutes les possibilités techniques offertes par l’ampleur du plateau de Bastille pour démultiplier les espaces et offrir des images parfois saisissantes (la lecture des adeptes, le laboratoire de Klingsor, l’indécente et onirique apparition des filles fleurs, l’effeuillage de Kundry …).

À l’appui de ce travail, le plateau vocal, spécialisé dans le répertoire wagnérien, présente une belle homogénéité malgré quelques petites déceptions et de belles surprises. Andreas Schager pourrait remplir le Zénith de sa splendide voix claironnante ! Sa projection, d’une facilité confondante, a de quoi faire jubiler l’auditeur en mal de décibels dans le grand vaisseau de Bastille. D’aucuns diront qu’elle se fait au détriment des nuances. Pourtant, tout dans cette interprétation semble en totale harmonie non seulement avec l’écriture du personnage mais aussi avec la vision du metteur en scène. Parsifal est un personnage évolutif. Andreas Schager propose un chant un peu fruste lorsqu’il apparaît à l’acte I, benêt et mal dégrossi. La confrontation avec Kundry offre au ténor l’opportunité de travailler sur les couleurs avant de pouvoir enfin davantage nuancer au troisième acte qui voit l’accomplissement du personnage. Une prestation singulière et franchement impressionnante.

Face à lui, la Kundry d’Anja Kampe était très attendue. Familière des rôles wagnériens (quelle Sieglinde !) la soprano possède de nombreux atouts : des aigus dardés, des graves abyssaux, un sens du phrasé et du mordant dans la diction. Pourtant, Anja Kampe inquiète à plusieurs reprises où on la sent au bord du précipice. Les passages de registres difficiles, la projection inégale et les aigus un peu criés la poussent parfois aux frontières de la justesse. Le beau métier de la soprano sauve sa prestation mais une question se pose : Kundry est-il un rôle pleinement pour elle ou était-ce une fatigue passagère ?

Le personnage de Gurnemanz est sans doute le plus difficile de l’opéra car il lui revient d’animer tout l’acte I avec de longues scènes de récit qui nécessitent un engagement dramatique et des qualités de conteur exceptionnelles. La tâche est rude et si Günther Groissböck s’en tire avec honneur par sa voix superbement conduite, une attention à la diction et au phrasé et une belle présence, il ne parvient pas toujours à maintenir l’attention du public. Son endurance et l’élégance de son chant emportent toutefois l’adhésion.

Il faut dire qu’à ses côtés, on se souviendra longtemps de l’effarante et bouleversante composition de Peter Mattei qui livre un Amfortas torturé, dont les sons suintent de la bouche dans une mélodie de mots extraordinaire. Incarnation du doute, de l’épuisement et du désespoir, la voix résonne avec une égalité et une rondeur du bronze exceptionnelle. De stupéfiantes couleurs animent et sculptent les contours d’un personnage qui bouleverse par sa fragile humanité. Son monologue de l’acte I tout en béance et déchirement est un formidable moment d’émotion.

Bien qu’un peu histrionique par sa manière d’accentuer certains effets, Evgeny Nikitin convainc en Klingsor veule et pervers avec une utilisation intéressante de sa voix de baryton-basse, plus claire et brillante qu’à l’accoutumée, pour suggérer son inhumaine automutilation. Les belles interventions du Titurel de Reinhard Hagen, voix de basse sombre à l’autorité indéniable sont à saluer de même que celles des extraordinaires filles fleurs, précises, piquantes et très investies dans leur numéro de séduction.

Enfin, le chœur a un rôle primordial dans cet opéra quasi liturgique qu’est Parsifal. Le travail de José Luis Basso avec le chœur de l’Opéra de Paris est d’une perfection constante. Si le chœur féminin (relégué un peu loin en coulisses) aurait gagné à être davantage mis en valeur, le chœur des hommes impressionne par sa précision, sa puissance et la souplesse des lignes.

Au bout de quatre heures dans la fosse, Philippe Jordan est acclamé aux saluts. Comme pour son Lohengrin, on est subjugué, dès le magnifique prélude, par la beauté de l’orchestre et de ses sonorités. L’onctuosité et la précision des cuivres, les couleurs diaphanes des violons et des vents, la limpidité et la clarté du son. Pourtant, Philippe Jordan est lui aussi à l’origine de certaines frustrations. Sa tendance à étirer les tempi et à jouer sur des silences, parfois interminables, nuit à la pulsation même si, à l’image de l’interprétation de Schager, sa direction évolue d’acte en acte. Le caractère toujours analytique de l’acte I et de l’acte III frôle parfois la déstructuration. Aucune tension ne soutient le récit du Graal de Günther Groissböck qui n’est donc pas aidé. À l’acte II, Jordan installe naturellement un contraste qui éloigne du sacré pour se rapprocher de l’humain. L’accompagnement des filles-fleurs est d’une belle vivacité onirique-ironique et tout devient plus théâtral, mais où sont les noirceurs qui doivent accompagner le duo Parsifal-Kundry qui semble par ailleurs un peu livré à lui-même ? Tout cela relève d’un travail de précision prodigieux mais l’absence de toute tension dramatique (on est malgré tout ce que l’on peut dire dans un opéra) procure parfois l’ennui. En bref, l’option de Philippe Jordan peut évidemment séduire (cela semble être le cas ce soir) mais elle en laissera d’autres au bord de la route.

Steeve Boscardin | Le 19 mai 2018

Le Monde

L’Opéra Bastille consacre le « Parsifal » de Philippe Jordan

Amputée de quatre représentations pour raisons techniques, la nouvelle production du chef-d’œuvre wagnérien s’impose.

Pendant quinze jours, nous avons tous été un peu des Amfortas, attendant, la plaie au côté, que Parsifal le pur et preux s’incarne enfin sur la scène de l’Opéra Bastille pour notre rédemption. C’est chose faite depuis le 13 mai, après une première prévue le 27 avril et annulée pour des raisons techniques.

Unique opéra wagnérien de la saison, cette nouvelle production de Parsifal était d’autant plus attendue qu’elle adoube in loco les débuts du metteur en scène anglais, Richard Jones, dont le travail, entre théâtre et opéra, jouit de nombreuses distinctions (plusieurs Laurence Olivier Awards). Conçus par Ultz, les décors géométriques déploient sans magnificence une enfilade de salles aux couleurs fadasses, un peu à la manière d’un retable gauchi illustrant les étapes liées au culte du Graal par les Chevaliers de Montsalvat. L’univers trivial d’une confrérie d’étudiants entourés de coachs sportifs, où cohabitent fonctions du quotidien (repas), et rituels religieux (la prière) : sous la chasuble d’apparat, des hommes en jogging. Un monde vampirique, dogmatique et pervers en ce qu’il exige par la célébration du Graal la survie d’un mourant (Titurel, fondateur de l’ordre, transfusé spirituellement) et la saignée collective d’un survivant, Amfortas, gardien de l’ordre dévoyé que vide de son sang chaque commémoration christique.

Kundry, magistralement interprétée par Anja Kampe, est précisément l’une des grandes réussites du spectacle

Dès lors, quelle différence fondamentale avec la nuit électrique et nue qui entoure le magicien Klingsor ? Les sortilèges fatigués du Graal sont-ils si éloignés des pratiques de ce généticien fou en pantalon rose et chasuble abricot qui jardine hors sol des créatures transgéniques, les filles-fleurs aux organes génitaux protubérants, sorties d’une fusée de maïs qui s’agiteront comme pistils au vent pour séduire le papillon Parsifal ? Le dernier acte, qui voit l’émancipation des chevaliers, laissant livres…

Marie-Aude Roux | 15.05.2018

forumopera.com

Tout vient à point…

C’était probablement la représentation la plus attendue de cette saison à l’Opéra national de Paris. Alors que tout semblait fonctionner normalement, un souci technique oblige à annuler la générale de Parsifal mis en scène par Richard Jones. L’incident s’avère plus grave que prévu et ce sont les deux premières dates qui passent à la trappe. Pas étonnant, donc, de voir la Bastille pleine à craquer pour cette matinée. La curiosité du public est palpable face à cette production à la genèse si compliquée.

Les deux univers qui se côtoient dans Parsifal sont assez univoques : d’un côté la société des chevaliers du Graal, emmurée dans une adoration rituelle presque macabre des saintes reliques ; de l’autre, le monde hédoniste et empoisonné forgé par Klingsor, symbole d’une société décadente qui horrifiait le compositeur. Pour le metteur en scène Richard Jones, ces deux univers sont repoussants à leur manière : la réunion des chevaliers n’est plus qu’une secte aux allures de micro-régime totalitaire (uniformes, « bibles » omniprésentes, portraits et statues quasi-présidentiels…), tandis que le jardin enchanté de Klingsor devient le terrain de jeu d’un généticien fou, donnant naissance à de monstrueuses nymphes mi-humaines, mi-maïs, à la libido débordante. Bien que surprenant au premier abord, tout cela n’est pas si éloigné des intentions wagnériennes.

Si transposition il y a, elle reste donc assez sommaire, et l’on se découvre plutôt surpris de la fidélité de l’action scénique par rapport aux indications du livret. Les personnages sont nettement dessinés, dans l’esprit de ce que souhaitait le compositeur, ce qui est loin de nuire à la qualité du spectacle. Reste l’esthétique, entre monumentalisme qui peine à s’assumer, et univers épuré, où les personnages priment sur leur environnement. A nos yeux, le deuxième l’emporte nettement sur le premier, et c’est probablement dans le duo du 2e acte que les subtilités due la mise en scène font le mieux surface, grâce à un jeu d’acteur maîtrisé à la perfection.

Les formations musicales de l’Opéra sont réunies au grand complet pour l’occasion. Aux hommes du chœur, faisant preuve de tutti assurés et brillants, les premiers éloges. Le bilan est plus mitigé pour les dames, où le placement en coulisse (requis par la partition, certes), pose quelques soucis d’intonation. L’orchestre, sous la baguette de son directeur musical, convainc. Philippe Jordan réaffirme son goût pour les lignes précises, les progressions charpentées et la clarté de timbres : dès le début, on savoure de magnifiques solos dans les bois et un impeccable liant de cordes. L’amateur de baguettes plus généreuses regrettera peut-être un manque de profondeur, et de couleurs chaudes dans la pâte orchestrale. Pour lui, l’action instrumentale ne décollera vraiment qu’au milieu du 2e acte.

Côté distribution, la première belle surprise est l’homogénéité du plateau : s’il demeure bien entendu perfectible, personne ne démérite vraiment ce soir-là. Ainsi, les filles-fleurs-maïs de Klingsor s’en tirent toutes très honorablement, les interventions ponctuelles ne laissant que peu de marge à l’expression personnelle. Des deux écuyers féminins, Megan Marino marque davantage qu’Alisa Jordheim, cette dernière restant hélas un peu en retrait dans une salle aussi grande. Les timbres juvéniles de leurs homologues masculins, les ténors Michael Smallwood et Franz Gürtelschmied se répondent quant à eux idéalement. Des deux chevaliers du Graal, retenons plutôt le ténor frais et sculpté de Gianluca Zampieri, que la basse noble, mais un peu imprécise et rocailleuse de Luke Stoker. Bien qu’invisible durant tout le spectacle, Reinhard Hagen ne démérite pas en Titurel, sa voix de basse outre-tombe seyant tout à fait au vieillard impassible.

En Klingsor, Evgeny Nikitin tire son épingle du jeu en incarnant son personnage jusque dans ses accès les plus pervers. Le timbre de baryton brillant et très coloré dans l’aigu convient étrangement assez bien à un personnage que l’on estimait plutôt noir et résigné. Regrettons toutefois une diction allemande qui pourrait être plus soignée çà et là. C’est à Günther Groissböck que revient l’incarnation de Gurnemanz, rôle ô combien difficile car mettant particulièrement à l’épreuve l’endurance du chanteur. Celui-ci s’en tire plutôt bien, se reposant sur un timbre noir et racé, très à propos chez ce personnage, et sur un texte toujours intelligible. En revanche, quelques signes de faiblesse commencent à poindre dans les aigus au 1er acte, signe d’une fatigue vocale excusable vu les circonstances. En Amfortas, le choix de Peter Mattei pourrait surprendre, car on s’attendrait volontiers à une voix plus lyrique. Cependant, le baryton suédois se glisse avec aise dans la peau de son personnage, usant de son timbre souple et touchant pour se peindre torturé, bienveillant, hargneux ou lassé.

Celui qui chante le rôle-titre sur toutes les grandes scènes internationales faisait ses débuts à l’Opéra. Connu pour battre tous les records au potentiomètre, Andreas Schager ne déçoit pas avec une projection phénoménale et des aigus métalliques qui décoiffent le public jusqu’au poulailler. Plus à l’aise dans la fougue que dans le calme et le réconfort, c’est avant tout dans le 2e acte que sa performance est remarquable. Ailleurs, on déplorera une voix qui bouge un peu dans le haut médium, et de manière générale une présence scénique pas toujours convaincante.

C’est donc Anja Kampe, également dans ses débuts parisiens, qui retient toute l’attention ce soir-là. Son répertoire a beau être composé de rôles de sopranos (Eva, Elisabeth, Isolde…), son aisance dans le médium et le grave est telle qu’on la dirait volontiers mezzo. Le registre aigu ne semble pas non plus souffrir d’une entrave quelconque, étant façonnable à guise, du piano le plus aérien (« Parsifal, weile ») au hurlements de rage ou de désespoir («und… lachte»). Toutes ces qualités vocales doublées d’un talent de tragédienne naturel et d’une prononciation ciselée rendent hommage à l’un des rôles wagnériens les plus ambigus et les plus touchants. Dans le livret, c’est Parsifal qui consacre Kundry ; hier, c’était l’inverse.

Alexandre Jamar | dim 13 Mai 2018

onlinemerker.com

Eines kann man Richard Jones, dem Regisseur des neuen Pariser „Parsifal“ an der Opéra de Paris Bastille nicht vorwerfen, auch wenn sonst einiges „ungewohnt“ erscheint: Wenn es ernst wird, hält er sich offenbar ganz genau an Richard Wagners Text. Wenn Parsifal nämlich zu seinem großen Monolog im 2. Aufzug ansetzt, … „bricht er“, „wie um einen zerreißenden Schmerz zu bewältigen“ aus: „Amfortas! – – Die Wunde! – Die Wunde! – Die Wunde! – Sie brennt in meinem Herzen. – …“ muss man dabei sofort an das Blutbad denken, welches der „reine Tor“ im 1. Aufzug nach Amfortas‘ Gralserhebung erleben musste. Der traurige Gralskönig bricht nach der Zeremonie kraftlos zusammen, fällt gar vom Tisch, auf den er steigen und die goldene, allerdings leere Schale wie die New Yorker Freiheitsstatue ihre Fackel in die Höhe recken musste. Er bleibt in einer Blutlache liegen, die wie eine Quelle aus seiner Wunde im wahrsten Sinne des Wortes „fließt“. Auch dieses steht so bei Wagner! So wird Parsifals schmerzerfüllter und hochemotionaler Ausbruch nur zu erklärlich und nachvollziehbar. Peter Mattei, den ich in der Rolle schon vor Jahren in Lyoner „Parsifal“ hören konnte, welcher dann ja an die Met ging, ist ein exzellenter Amfortas mit einem herrlich kantablen Heldenbariton und einer unglaublich intensiven und zutiefst leidenden Darstellung, die er mittlerweile total verinnerlicht hat. Mattei war einer der Besten des Abends.

Richard Jones konfrontiert uns in den Bühnenbildern und mit den nicht ganz geschmacksicheren Kostümen von Ultz und dem nicht immer optimal changierenden Lichtdesign von Mimi Jordan Sherin mit einer Sekte, deren höchstes und wahrscheinlich auf Ewigkeit zu tradierendes Gut die Dogmen in einem dicken blauen Buch zu sein scheinen. Die mehrsprachigen Bände füllen lückenlos die Bücherregale in der modern möblierten und mit einer völlig entbehrlichen Zentrifuge ausgestatteten Gralsküche neben den Rucksäcken eines jeden Gralsritters. Über dem Herd, auf dem riesige dampfende Kochtöpfe stehen, – man denkt sofort an die bald zu servierende Gemeinschaftssuppe, aber es kommt viel schlimmer – prangt ein schlechtes Ölgemälde des offenbar verstorbenen Sektenführers. Bezeichnend für den Machtanspruch der Sekte hat er eine Hand auf der Weltkugel. Von ihm sehen wir auch noch eine goldene Büste im Breker-Design auf Podest mit Wasserbecken links von der Gralsküche. (Titurel ist es aber nicht, denn der liegt im Nebenzimmer über jenem von Amfortas reglos in seinem Bett, betreut von einem Pfleger). Um diese Büste sitzen bereits während des Vorspiels die Knappen züchtig und regungslos in ihren Büchern lesend herum. Erst als Gurnemanz kommt, dürfen sie sich rühren. Günther Groissböck singt die Riesenpartie mit seinem wundervollen, eher hellen Bassbariton bei bester Diktion und Top-Höhen. Hier ist bereits überdeutlich der Wotan zu hören… Ein begnadeter Sänger mit hoher Intelligenz, der deshalb auch die Rolle bestens zu spielen weiß. Gianluca Zampieri, der immerhin in Erl den Siegfried und Tristan singt, sowie Luke Stoker sind zwei gute Gralsritter, die sich in ihrem olivgrünen Ornat rangmäßig von den weiß gekleideten Knappen abheben.

Ganz offenbar herrschen in dieser Sekte „Zucht und Ordnung“. Gurnemanz kommt aus dem Hinterzimmer und mahnt zur Wachsamkeit. Dabei tun doch eh‘ alle, was hier angesagt ist: Nach gnadenlosen Dogmen leben, die ganz offenbar jedes Fünkchen Mitgefühl mit dem Schicksal anderer im Keim ersticken bzw. gar nicht erst entstehen lassen. Denn nur so ist die grausam anmutende Gleichgültigkeit aller während der Gralserhebungszeremonie zu erklären, die eben mit der Beinahe-Verblutung des Amfortas und dem routineartigen Eintauchen seiner blutigen Bettwäsche in die statt mit Suppe mit kochendem Wasser gefüllten Töpfe zur Reinigung für das nächste Mal endet… Reinigungspersonal, freilich durchaus post-stereotypisch banal wirkend, wischt unterdessen mit einigen Tüchern das Blut vom Boden auf, als wäre eine Blumenvase umgekippt… Titurel tritt fordernd als ein steinalter Mann auf, der meist getragen werden muss und nach der Gralserhebung gerade einmal vier Schritte schafft. Reinhard Hagen singt ihn klangvoll aus dem Off. Daniela Entcheva schließt mit ihrem vollen Mezzo aus der Höhe den 1. Aufzug ab, nach dem übrigens in Paris aufs Heftigste geklatscht wird.

Beim ersten Mal, – nach dem Erklingen ganz natürlicher Glasglocken aus der Ferne – lässt sich Amfortas ja noch den königlichen Hermelinmantel aus seiner Garderobe überziehen. Den wirft er dann aber frustriert von sich, als es in seinem großen ersten Monolog so weit ist. Im 3. Aufzug sieht das alles schon ganz anders aus. Die Gralsgemeinschaft ist ganz den Worten den Gurnemanz entsprechend „führerlos“. Die Knappen, die schon längst nicht mehr alle ihre Bücher haben und ohnehin kaum noch darin lesen, schlagen sich frustriert unter der Büste des Sektenführers. Die Bücherregale sind leer, fast alle Rucksäcke weg. Alle, gerade auch Gurnemanz, haben nun lange Haare. Offenbar hat sich mit Amfortas‘ Weigerung, den Gral noch einmal zu erheben, auch der Hausfriseur davon gemacht, wie einst Gawan. Umso mehr wundert einen nun das schicke Outfit von Gurnemanz, der im 1. Aufzug noch in eher bedürftig wirkender Kleidung auftrat. Immerhin hat er noch seine Bibel. Wie gesagt, die Kostüme sorgten für manche Überraschung, zumal jenes von Parsifal, der sogar noch im 2. Aufzug mit einem roten Pullover und Shorts herum läuft… Banaler ging es nicht mehr – damit würde man nicht einmal als Zuschauer auf einem Golfplatz zugelassen. Dafür zeigt Jones die völlige Verzweiflung des Amfortas wie kaum ein anderer zuvor. Wir sehen ihn unter den führungslosen Gralsrittern im blutbefleckten Trainings-Anzug herumlaufen. Wenn sie ihn entdecken, will er immer wieder ausbrechen und flüchten. Sie lassen ihn aber nicht. Mit der Sturheit unglaublicher Herzlosig- und Grausamkeit zwingen sie den sich gegen sein Schicksal Stemmenden wieder an den Opfertisch – bis endlich Parsifal kommt. Die von José Luis Basso einstudierten Chöre singen stimmstark und sind bestens choreografiert (Lucy Burge). Allein bei den Damen aus dem Off gibt es einige Probleme beim Erreichen aller erforderlichen Töne.

Dazwischen geht Parsifals Verwandlung von statten, denn dass hier wahrlich, wie von Wagner gewünscht, nur noch Mitleid helfen kann, das hat Jones mit seiner dicken Zeichnung der Verrohung des Grals-Kultes offenbar gemacht. Hierin liegt einer der Verdienste der Inszenierung, obwohl an diesem Abend doch wieder klar wurde, dass es ganz ohne Mystik in Wagners „Parsifal“ nicht geht. Und davon wollte der Regisseur offensichtlich gar nichts wissen. Klingsor klont sexbesessene Jungfrauen, die er aus Maiskolbenblüten heranzüchtet – eine schwimmt gerade halbentwickelt in einer Art Aquarium, noch an der Nabelschnur. Bald wird sie wie die anderen in Maiskolbendolden mit übertrieben gestalteten äußeren Geschlechtsmerkmalen herum zappeln, um Parsifal einzufangen.

Bis dahin braucht es aber lange, denn Klingsor muss auf seinem Maiskolbenbeet ständig für künstliche Befruchtung sorgen. Er wirkt in seinem rosa Trainingsanzug mit Ornat eher wie ein verkommener Dandy denn als gefährlicher Zauberer. Evgeny Nikitin bleibt, was sein heldenbaritonales Potenzial angeht, etwas hinter meinen Erwartungen zurück, spielt die ihm zugewiesene Rolle aber eindringlich. Der Stimme mangelt es bei guter Höhe doch an Volumen und auch Resonanz. Anja Kampe kommt als Kundry zunächst als Barbie-Puppe daher, lässt aber bald das rosa Kleidchen zugunsten eines schwarzen Negligés fallen. Kampe besticht mit einer äußerst intensiven Darstellung der so komplexen Facetten der Rolle und ihrem in der Mittellage etwas dunkel timbrierten Sopran, den sie perfekt führt und intoniert. Ihr „und lach-te!“ ging mit der Höhe und der direkt nachfolgenden Tiefe wahrlich unter die Haut. Auch die so schwierigen „Irre! Irre!“-Rufe kamen perfekt. Sie dürfte eine der besten Kundrys unserer Zeit werden. Andreas Schager schafft es, Kampe auf Augenhöhe zu begegnen, denn er spielt den Mitleid gewinnenden „Helden“ trotz seines banalen Outfits in überzeugender Weise. Auch stimmlich ist der Österreicher dieser und anderen Wagner-Partien gewachsen. Allein, er singt fast immer nur im Forte und einfach zu oft zu laut. Es wäre schade, wenn dieser schönen heldentenoralen Stimme wegen ständiger Überforderung durch zu hohen Kraftaufwand ein allzu kurzes Leben beschieden wäre. Anna Siminska, Katharina Melnikova, Samantha Gossard sowie Tamara Banjesevic, Anna Palimina und Marie-Luise Dressen singen klangschön und engagiert die Zaubermädchen.

Eindrucksvoll und eschatologisch dann der Untergang von Klingsors Zaubergarten: Nachdem Parsifal ihm kraft seines Widerstands gegen die Versuchung den Speer aus der Hand genommen und ihn mit einer Art Machete tödlich aufgeschlitzt hat, kommt der Zaubergarten als Ansammlung verkohlter Skelette auf verwelkten Blüten – „ich sah sie welken…“ – aus dem Dunkel nach vorn – ein starker Einfall!

Der bald in Wien antretende Pariser Musikdirektor Philippe Jordan leitete das Orchestre de l‘Opéra national de Paris und fand wohl nicht zuletzt nach seiner Erfahrung mit diesem Werk in Bayreuth zu einem dezenten, äußerst transparenten und eher lyrischen, ja bisweilen fast kammermusikalischen „Parsifal“-Klang. Hier merkte man viel Liebe zum Detail, was sich allerdings auch etwas auf die Tempi auswirkte. Schon das Vorspiel zum 1. Aufzug wurde von Jordan nahezu zelebriert. In einem Aufsatz im Programmheft legt er dar, dass Wagner mit dem „Parsifal“ kein Drama mehr komponiert habe, sondern eine „musique d‘office“. Ja, er ortet sogar aufgrund der christlichen Symbole wie Gral und Glasglocken eine „silence solenel digne d‘une église“. Es spricht nichts dagegen, den „Parsifal“ so zu musizieren. Aber in diesem Fall waren Expressivität und Aktionismus auf der Bühne so intensiv, dass sie durchaus eine kräftigere musikalische Herangehensweise vertragen hätten, ja diese sogar angebracht gewesen wäre. So kam es bisweilen zu einer sonderbaren Dichotomie zwischen dem, was man auf der Bühne sah und aus dem Graben hörte. Gleichwohl wurden Jordan und sein Orchester vor dem 2. und 3. Aufzug mit großem Auftrittsapplaus bedacht, wie sich auch alle SängerInnen mit leichten Abstrichen bei Nikitin über große Publikumszustimmung freuen konnten.

Spannend ist immer, was dem jeweiligen Regisseur zum Finale des „Parsifal“ einfällt. Parsifal heilt hier die Wunde des Amfortas mit dem Speer. Dieser küsst daraufhin Kundry ein letztes Mal mit größter Begierde, worauf er – wohl entsühnt – stirbt. Da Parsifal keine Anstalten macht, in sein Amt einzutreten, erscheinen die Ritter wieder führungslos. Er zieht stattdessen mit Kundry von dannen, die Ritter alle hinterher. Das scheint Parsifal jedoch nicht mehr zu interessieren. Eines ist jedenfalls klar, wie einst bei Christine Mielitz in Wien: Der Gral hat ausgedient. Wohl auch gut so…

Klaus Billand | 19.05.2018

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Technical Specifications
320 kbit/s CBR, 48.0 kHz, 540 MByte (MP3)
Remarks
Broadcast (France Musique)
A production by Richard Jones (2018)