Die Walküre

Paul Daniel
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Date/Location
23 May 2019
Opera National de Bordeaux
Recording Type
  live   studio
  live compilation   live and studio
Cast
Siegmund Issachah Savage
Hunding Štefan Kocán
Wotan Evgeny Nikitin
Sieglinde Sarah Cambidge
Brünnhilde Ingela Brimberg
Fricka Aude Extrémo
Helmwige Soula Parassidis
Gerhilde Léa Frouté
Ortlinde Cyrielle Ndjiki Nya
Waltraute Margarete Joswig
Siegrunde Victoire Bunel
Grimgerde Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Schwertleite Blandine Staskiewicz
Roßweiße Adriana Bignagni Lesca
Stage director Julia Burbach (2019)
Set designer Tal Rosner
TV director
Gallery
Reviews
forumopera.com

Dans l’œil d’un cyclone nommé Wotan

Deuxième épisode de cet ancêtre de Game of throne qu’est Der Ring des Nibelungen, Die Walküre veut pour accomplir son office cathartique une conjonction de paramètres artistiques si improbable que l’équation paraît à première vue impossible à résoudre. Et pourtant…

Bordeaux prétexte son auditorium pour entreprendre l’ascension de cet Everest lyrique. L’orchestre wagnérien, trop important pour la fosse du Grand Théâtre, fut un des arguments en faveur de l’édification du bâtiment en 2013. Les contraintes en sont connues. L’absence de cintres et de dégagement, latéral et arrière, impose des représentations scéniques à plat, comme privées de 3e dimension. A défaut de pousser les murs, Julia Burbach charge un écran géant, dupliqué par un jeu de miroirs, d’introduire une profondeur fictive. On craint que l’usage des vidéos ne devienne envahissant. Il n’en est rien. L’image, devenue abstraite au 2e et 3e acte après s’être longtemps figée sur un arbre dont le scintillement magique semble emprunté au Monde de Narmia, se place au service de l’action. Œil de Wotan ? Radiographie de son inconscient ? Tal Rosner, le vidéaste, jette des couleurs sur la musique de Wagner. Élément clé du spectacle trop souvent négligé dans nos analyses, les costumes imaginés par Clémence Pernoud entre heroic fantasy et Guerre des étoiles, collent au plus près des personnages et participent à leur caractérisation. Ces Walkyries, en cuissardes et robe cintrée, cette Fricka punkette de cuir rouge vêtue, ce Wotan aux épaules couvertes d’un lourd manteau de plumes noires ont les habits de l’emploi. Comme fracassé par une secousse tellurique, le plateau est un champ de bataille dont le relief favorise le mouvement, pensé en étroite relation avec le livret et la partition.

La quête wagnérienne d’art total trouve son aboutissement lorsqu’à ce dispositif scénique pluri-artistique s’ajoute un flot musical dominé d’un geste large par Paul Daniel. Les quatre-vingt-dix-sept instrumentistes en fosse, installés dans des conditions optimales d’après le directeur musical de l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, avec de l’espace mais « suffisamment près les uns des autres pour pouvoir s’entendre et jouer ensemble » bénéficient d’une acoustique favorable aux nuances et aux dynamiques. Dans une gestion habile des volumes sonores, aucune intention n’échappe à l’oreille du spectateur attentif sans que cette lecture ne vire à la démonstration ou la surenchère d’effets. Ainsi ce Winterstürme d’un lyrisme délicat, ainsi cette Chevauchée où les cuivres n’écrasent pas les cordes, et cet embrasement final dont le tympan ressort indemne. Ainsi ces duos fleuves, ces soliloques ininterrompues qui ne nous semblent jamais longs parce qu’animés d’une éloquence orchestrale en symbiose avec la performance vocale.

Il faut en effet parler de performance lorsque des chanteurs parviennent ainsi à surmonter les tensions d’une écriture extrême. Ils fourbissent pour la plupart leurs premières armes dans leur rôle. Face au Hunding policé de Stefan Kocàn, Sarah Cambidge et Issachah Savage sont des Wälsung tout juste sortis du berceau, ou presque. La soprano est actuellement en seconde année du programme Adler Fellow du San Francisco Opera. La carrière du ténor a débuté il y a moins de dix ans. C’est jeune pour Siegmund mais tellement proche d’une forme d’idéal lorsque le timbre comme ici n’est affecté d’aucune blessure, que la ligne se déploie en un fil continu sur des crêtes escarpées, que l’aigu jaillit sans effort, que la vaillance l’emporte sur la force. Tout comme sa partenaire, il lui reste à mieux gérer l’ascension émotionnelle du premier acte pour que le point d’acmé intervienne dans le duo du printemps et non dans des « Walse » à la longueur confortable. A ce Siegmund juvénile, Sarah Cambidge offre l’exacte réplique : Sieglinde enthousiaste, ardente, sincère dont seul un vibrato trop prononcé altère la conduite d’un chant qui ne demande qu’à s’épanouir dans des rôles moins exigeants avant de repartir à la conquête des cimes wagnériennes.

Que de promesses aussi dans le mezzo-soprano orgueilleux d’Aude Extrémo. Fricka reste un emploi secondaire mais la scène de ménage, si souvent considérée comme un tunnel par bon nombre de commentateurs devient homérique lorsqu’elle est ainsi empoignée par une voix d’une telle étoffe et un tempérament d’une telle présence. Même le Wotan solide d’Evgeny Nikitin agite le drapeau blanc. L’extinction de voix dans ce même rôle à la Philharmonie l’an passé, due à un reflux gastrique, n’est qu’un mauvais souvenir. Le Maître du Walhalla exerce ici un pouvoir que l’on qualifierait ailleurs de jupitérien. Le chant est noir comme le bandeau qui lui barre l’œil. Il y a du Klingsor dans ce Wotan péremptoire dont jamais la puissance, ni l’éclat ne sont pris en défaut. Peu d’interrogations, y compris dans le monologue, mais au contraire une autorité d’une violence implacable. Le contraste avec la scène finale où, submergé par ses émotions, le Dieu accepte le murmure, n’en est que plus saisissant. Le père endort la fille d’un baiser chaste, épuisé par un combat d’où il sort de nouveau vaincu, loser magnifique face une Brünnhilde incandescente. Ingela Brimberg n’est pas seulement une vierge casquée dont les notes les plus hautes frappent comme des flèches de lumière. La soprano, après avoir chanté Sieglinde en concert, se jette corps et âme dans le rôle de La Walkyrie qu’elle n’avait auparavant interprété qu’en version abrégée au Theater An Der Wien. Quelle maîtrise déjà des moindres contours psychologiques et vocaux, ne serait-ce que des « Hojotoho ! » liminaires sur lesquelles tant trébuchent. Le duo avec Siegmund voudrait graves plus sépulcraux mais tout le reste est mené avec une intelligence confondante. Un mot enfin sur les huit Walkyries en voix accordées et en fleur, à rebours du cliché de la guerrière tonitruante aux nattes blondes et au tour de poitrine éléphantesque.

Christophe Rizoud | ven 17 Mai 2019

olyrix.com

Wagner triomphe à Bordeaux avec La Walkyrie

La Walkyrie triomphe dans l’Auditorium à l’Opéra National de Bordeaux, qui fait le pari de la jeunesse et de la découverte :

Les interprètes réunis ne sont peut-être pas les plus célèbres titulaires des rôles de La Walkyrie : plusieurs d’entre eux sont encore peu -ou pas- connus du public français. Mais ils s’élèvent pour le moins à la hauteur de la tâche et surtout le plateau, dans son ensemble, est d’une grande homogénéité. Les parcours de certains chanteurs sont parfois (d)étonnants, ainsi celui d’Ingela Brimberg qui débuta en tant que mezzo léger (en Rosine ou Chérubin), et qui affronte depuis une quinzaine d’années certains rôles parmi les plus lourds du répertoire de soprano : Tosca, Lady Macbeth, Salomé, et offre de Brünnhilde un portrait à la dimension de la complexité du rôle. Vocalement, la prestation impressionne l’auditoire : elle fait preuve d’une grande endurance (elle arrive à la fin de l’œuvre dans un état de fraîcheur vocale rare), les contre-ut sont fièrement dardés, la puissance lui permet de franchir aisément la masse orchestrale, même dans ses éclats les plus extrêmes, le souffle est long, et surtout le legato dans les passages cantabile et les nuances sont bien là, contribuant à faire de Brünnhilde un personnage de chair et de sang particulièrement émouvant. D’autant qu’Ingela Brimberg offre une prestation d’actrice accomplie : sa gestuelle vive et dynamique en fait presque une adolescente, notamment lors de son entrée en scène, avec des Hojotoho! d’une fraîcheur et d’une juvénilité étonnantes, tandis que sa physionomie particulièrement expressive permet de rendre compte des émotions traversées par le personnage.

Wotan est incarné par le baryton-basse Evgeny Nikitin, dont la prise de rôle est toute récente (octobre 2017 à Saint-Pétersbourg). Le timbre est étonnamment clair pour le rôle. Cela ajoute en clarté, en intelligibilité, en incisivité dans le rendu du texte, d’autant que le chanteur prend soin de donner des couleurs expressives aux mots qu’il souhaite mettre en valeur (contraste saisissant entre les deux das Ende! au second acte). En revanche, les passages les plus lyriques, et notamment les adieux de Wotan à sa fille, s’accommoderaient d’un peu plus de chaleur et de velours dans le timbre. Par ailleurs, le dernier acte voit Evgeny Nikitin quelque peu éprouvé : le souffle en particulier se fait plus court, ce qui l’oblige à accélérer le tempo voulu par le chef dans les tendres adieux à Brünnhilde et à reprendre pas moins de trois fois son souffle dans l’imprécation finale.

Sarah Cambidge fait preuve d’une projection facile en Sieglinde, la qualité de son timbre est préservée sur l’ensemble de la tessiture (n’étaient quelques aigus légèrement stridents), la féminité conférée au personnage est frémissante. Davantage de rondeur et de velours dans le timbre (notamment pour la nuance forte) apporterait cependant un surcroît d’émotion au personnage, en particulier dans les envolées lyriques, mais la chanteuse n’en reçoit pas moins l’une des plus belles ovations de la soirée. Issachah Savage possède les moyens exacts du rôle de Siegmund : tendresse et moelleux du timbre, puissance, ligne de chant châtiée et nuancée, le tout au service d’une émotion constante.

Stefan Kocan, timbre noir, graves abyssaux, est un Hunding inquiétant par son chant à la fois sauvage et racé, mais aussi par sa silhouette, étonnamment élégante, offrant un contraste presque angoissant avec la noirceur du personnage. Pour sa seconde excursion en terres wagnériennes (après Vénus dans la version parisienne de Tannhäuser à Monte Carlo), Aude Extrémo remporte un grand succès en Fricka. La voix est pleine, sonore, habilement projetée jusque dans les notes les plus aiguës du rôle et le personnage, habilement caractérisé, échappe aux interprétations caricaturales qui réduisent parfois Fricka à une simple épouse jalouse et hystérique.

Enfin, le public ne se prive pas d’adresser ses louanges à l’équipe extrêmement impliquée des “choisisseuses de morts”, (sens étymologique du mot “Walkyries”), au sein desquelles se retrouvent plusieurs artistes souvent entendues sur la scène bordelaise (Adriana Bignagni Lesca, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Cyrielle Ndjiki Nya, Léa Frouté). Scéniquement et vocalement, toutes parviennent à donner une identité propre à leur personnage.

La réalisation scénique (Julia Burbach et Tal Rosner) fait la part belle aux vidéos (conçues par Tal Rosner). Sont ainsi projetées en fond de scène, tantôt des images figuratives (un loup, des montagnes, des sapins), tantôt des formes géométriques colorées, tantôt des visions plus ou moins psychédéliques apparaissant et disparaissant au gré de la musique. Les interactions avec le plateau sont assez limitées, et le contraste est parfois gênant entre les images qui se succèdent à l’écran à un rythme effréné et ce qui est vu sur la scène, nécessairement beaucoup plus sage. Les acteurs, dont le jeu a visiblement fait l’objet d’un travail assez poussé, font alterner postures et gestes assez traditionnels et belles trouvailles (les mains de Siegmund et Sieglinde qui se rencontrent lors de l’échange de la coupe au premier acte, les Walkyries ne pouvant se résoudre à quitter leur sœur au dernier acte).

Enfin, le spectacle est porté par l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine dont le foisonnement des couleurs est à la hauteur de sa précision et de la virtuosité instrumentale. Le chef Paul Daniel, donne sens au drame et la poésie est imparable (il ralentit parfois –raisonnablement– le tempo sur tel ou tel motif, comme celui dit du « malheur des Wälsungen », pour mieux le mettre en lumière).

Cette Walkyrie dont l’Opéra National de Bordeaux peut à juste titre s’enorgueillir, est accueillie au rideau final par des tonnerres d’applaudissements !

Stéphane Lelièvre | 19/05/2019

onlinemerker.com

Das war ein Abend der emotionalen Superlative – und damit genau das Gegenteil dessen, was inszenatorisch am Abend zuvor mit „Tristan und Isolde“ am Monnaie in Brüssel zu erleben war! Die junge deutsche Regisseurin Julia Burbach, in Tokio geboren und in Mailand, Prag, München, Bonn, London und Hong Kong in einer Diplomaten-Familie aufgewachsen, hat mit ihrer ersten selbständigen Wagner-Inszenierung einen regelrechten Weitwurf geliefert. Bisher hat sie u.a. mit Christof Loy zusammengearbeitet und ist Director in Residence an Covent Garden London. So eine intensive und mit ganz neuen emotionalen Facetten arbeitende Personenregie habe ich – wenn überhaupt – bei meinen 111 „Ring“-Inszenierungen in den letzten 53 Jahren nur ganz selten erlebt. Vielleicht ist ihr Regiekonzept etwas mit dem der Magdeburger „Walküre“ 2018 vergleichbar. Nach den Erfahrungen in Chemnitz (Rezension weiter unten) vor einigen Wochen: Wenn das die „weibliche Sicht“ auf den „Ring“ ist, dann kann man das nur begrüßen…

Es wurde einmal mehr klar, dass der „Ring“ vor allem durch seinen Mikrokosmos in engem Zusammenhang mit der Musik lebt, ein Mikrokosmos, den Richard Wagner mit so vielen, wenn nicht gar allen Spielarten menschlicher Interaktion gestaltet hat. Das herauszuarbeiten mit einer intensiven Personenregie, die durch eine phantasievolle, meist die Handlung sinnhaft unterstreichende, aber bisweilen auch zu weit gehende Videoregie auf einer großen LED-Wand in der Bühnenmitte ergänzt wird, ist Burbach mit dem Video-Designer Tal Rosner in einer Probenzeit von nur zwei Wochen für die Szenen (vier Wochen für die Musik) voll gelungen. Clémence Pernoud schuf dazu avantgardistische, stilvolle Kostüme und Jon Bausor ein relativ einfaches, aber effizientes Bühnenbild aus drei ineinander verschachtelten Spielflächen, die sinnvolle Abstufungen in der Aktion der Akteure ermöglichen. Die stark auf personenbezogene Effekte setzende Beleuchtung von Eric Blosse setzt in vielen, zumal in den von individuellen Auseinandersetzungen gekennzeichneten Szenen, starke dramaturgische Effekte.

Der Generalmusikdirektor der Opéra National Bordeaux, Paul Daniel, schuf mit dem Orchestre National Bordeaux Auqitaine mit 97 (!) Musikern in einem stark versenkten Graben, der zudem weit unter die Bühne reicht, eine glanzvolle und überaus engagierte und plastische musikalische Interpretation, die zu jedem Zeitpunkt Hand in Hand mit dem Geschehen auf der Bühne ging.

Die Schwedin Ingela Brimberg, vielen Wiener Wagner-Freunden aus dem „Ring“-Verschnitt von Tatiana Gürbaca im vergangenen Jahr am Theater an der Wien bekannt, sang eine wunderbare Brünnhilde mit allem, was man sich wünscht. Sie bestach vor allem durch leuchtende, perfekt angesetzte und lang ausgesungene Töne bei ebenso guter Mittellage und Tiefe. Dazu kam eine äußerst authentische jugendliche Darstellung der Beziehung der Wotanstochter zu ihrem Vater. Evgeny Nikitin, der in Murmansk aufgewachsen ist, wie er mir in einem Interview mitteilte, gab den Wotan mit sowohl großer göttlicher Souveränität als auch dem durch seinen Fall verbundenen menschlichen Leid. Sein Bassbariton verfügt auch über hinreichend Tiefe für den „Walküre“-Wotan, wobei seine heldenbaritonale Höhe aber seine größte Stärke ist. Vielleicht sollte hier und da mit mehr Legato auch noch die Phrasierung verbessert werden. Die blutjunge US-Amerikanerin Sarah Cambidge kam wie aus dem blauen Himmel aus San Francisco und sang ihre erste Sieglinde, betörend und ausdrucksstark bei bester Diktion. Der Afro-US-Amerikaner Issachah Savage war ein stimmschöner Siegmund mit ebenfalls viel Empathie. Stefan Kocán sang einen eleganten Hunding mit prägnantem Bass bei leichten Höhenproblemen. Aude Extrémo spielte eine genauso „extrem“ engagierte Fricka mit ihrem charaktervollen Mezzo. Die Wortdeutlichkeit aller Protagonisten war beeindruckend. Auch das Walküren-Oktett agierte mit kräftiger stimmlicher, aber auch großer darstellerischer Qualität – besser als jenes, welches ich noch vor neun Tagen an der New Yorker Met hören konnte.

Dieser „Ring“, vom Generalintendanten Marc Minkowski angestoßen und von Paul Daniel äußerst engagiert mitgetragen, MUSS weitergehen!!

Letzte Aufführung am 23. Mai um 19 Uhr. Wer immer kann, fahre hin – es lohnt sich!

Klaus Billand | 20.05.2019

Rating
(5/10)
User Rating
(3/5)
Media Type/Label
Technical Specifications
1920×1080, 1.4 Mbit/s, 2.3 GByte (MPEG-4)
Remarks